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partit pour la frontière ; il fit plus , il les signa de ses intérêts , dernier sacrifice de l' égoïsme . Neveu , seul héritier du curé de Blangy , ce tout - puissant tribun de la campagne pouvait en reprendre l' héritage à la belle Arsène , la jolie servante du défunt ; il respecta les volontés du testateur et accepta la misère , qui , pour lui , vint aussi promptement que la décadence pour sa république .
Jamais un denier , une branche d' arbre appartenant à autrui ne passa dans les mains de ce sublime républicain , qui rendrait la république acceptable s' il pouvait faire école .
Il refusa d' acheter des biens nationaux , il déniait à la république le droit de confiscation .
En réponse aux demandes du Comité de salut public , il voulait que la vertu des citoyens fît pour la sainte patrie les miracles que les tripoteurs du pouvoir voulaient opérer à prix d' or .
Cet homme antique reprocha publiquement à Gaubertin père ses trahisons secrètes , ses complaisances et ses déprédations .
Il gourmanda le vertueux Mouchon , ce représentant du peuple dont la vertu fut , tout bonnement , de l' incapacité , comme chez tant d' autres qui , gorgés des ressources politiques les plus immenses que jamais peuple ait livrées , n' en tirèrent pas tant de grandeur pour la France que Richelieu sut en trouver dans la faiblesse de son roi .
Aussi le citoyen Niseron devint - il un reproche vivant pour trop de monde .
On l' accabla bientôt sous l' avalanche de l' oubli , sous ce mot terrible : " Il n' est content de rien ! " Le mot de ceux qui se sont repus pendant la sédition .
Cet autre paysan du Danube regagna son toit à Blangy , regarda choir une à une ses illusions , vit sa république finir en queue d' empereur , et tomba dans une complète misère , sous les yeux de Rigou , qui sut hypocritement l' y réduire . Savez - vous pourquoi ? Jamais Jean - François Niseron ne voulut rien accepter de Rigou . Des refus réitérés apprirent au détenteur de la succession en quelle mésestime profonde le tenait le neveu du curé . Enfin ce mépris glacial venait d' être couronné par la menace terrible dont avait parlé l' abbé Brossette à la comtesse .
Des douze années de la République française , le vieillard s' était fait une histoire à lui , pleine uniquement des traits grandioses qui donneront à ce temps héroïque l' immortalité . Les infamies , les massacres , les spoliations , ce bonhomme voulait les ignorer ; il ne voyait que les
LES PAYSANS (IX, campagn)
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