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démontrant l' insuffisance de son dévouement , et lui révélant les mauvaises dispositions des habitants de la vallée .
" Il y a quelque chose là - dessous , mon général , lui dit - il , ces gens - là sont trop hardis , ils ne craignent rien ; ils ont l' air de compter sur le bon Dieu !
- Nous verrons " , répondit le comte .
Mot fatal ! pour les grands politiques , le verbe voir n' a pas de futur .
En ce moment , Montcornet devait résoudre une difficulté qui lui sembla plus pressante , il lui fallait un alter ego qui le remplaçât à la Mairie pendant le temps de son séjour à Paris .
Forcé de trouver pour adjoint un homme sachant lire et écrire , il ne vit dans toute la commune que Langlumé , le locataire de son moulin .
Ce choix fut détestable .
Non seulement les intérêts du général - maire et de l' adjoint - meunier étaient diamétralement opposés , mais encore Langlumé brassait de louches affaires avec Rigou qui lui prêtait l' argent nécessaire à son commerce ou à ses acquisitions .
Le meunier achetait la tonte des prés du château pour nourrir ses chevaux ; et , grâce à ses manoeuvres , Sibilet ne pouvait les vendre qu' à lui .
Tous les prés de la commune étaient livrés à de bons prix avant ceux des Aigues ; et ceux des Aigues , restant les derniers , subissaient , quoique meilleurs , une dépréciation .
Langlumé fut donc un adjoint provisoire ; mais , en France le provisoire est éternel , quoique le Français soit soupçonné d' aimer le changement .
Langlumé , conseillé par Rigou , joua le dévouement auprès du général , il se trouvait donc adjoint au moment où , par la toute - puissance de l' historien , ce drame commence .
En l' absence du maire , Rigou , nécessairement membre du conseil de la commune , y régna donc et fit prendre des résolutions contraires au général . Tantôt il y déterminait des dépenses profitables aux paysans seulement et dont la plus forte part tombait à la charge des Aigues qui , par leur étendue , payaient les deux tiers de l' impôt ; tantôt on y refusait des allocations utiles , comme un supplément de traitement à l' abbé , la reconstruction du presbytère , ou les gages ( sic ) d' un maître d' école .
" Si les paysans savaient lire et écrire , que deviendrions - nous ? " ... dit Langlumé naïvement au général pour justifier cette décision antilibérale prise contre un frère de la doctrine chrétienne que l' abbé Brossette avait tenté d' introduire à Blangy .
LES PAYSANS (IX, campagn)
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