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Mlle Cochet épousa - t - elle le brigadier de la gendarmerie de Soulanges , nommé Soudry , très bel homme de quarante - deux ans , qui depuis 1800 , époque de la création de la gendarmerie , la venait voir presque tous les jours aux Aigues et qui , par semaine , dînait au moins quatre fois avec elle et les Gaubertin .
Madame , pendant toute sa vie , eut une table servie pour elle seule ou pour sa compagnie .
Malgré leur familiarité , jamais ni la Cochet ni les Gaubertin ne furent admis à la table du premier sujet de l' Académie royale de musique et de danse , qui conserva jusqu' à sa dernière heure son étiquette , ses habitudes de toilette , son rouge et ses mules , sa voiture , ses gens et sa majesté de Déesse .
Déesse au théâtre , Déesse à la ville , elle resta Déesse jusqu' au fond de la campagne où sa mémoire est encore adorée , et balance bien certainement la cour de Louis XVI dans l' esprit de la première société de Soulanges .
Ce Soudry , qui , dès son arrivée dans le pays , fit la cour à la Cochet , possédait la plus belle maison de Soulanges , six mille francs environ , et l' espérance de quatre cents francs de retraite , le jour où il quitterait le service .
Devenue Mme Soudry , la Cochet obtint dans Soulanges une grande considération .
Quoiqu' elle gardât un secret absolu sur le montant de ses économies , placées comme les fonds de Gaubertin à Paris , chez le commissionnaire des marchands de vin du département , un certain Leclercq , enfant du pays que le régisseur commandita , l' opinion générale fit de l' ancienne femme de chambre une des premières fortunes de cette petite ville d' environ douze cents âmes .
Au grand étonnement du pays , M . et Mme Soudry reconnurent pour légitime , par leur acte de mariage , un fils naturel du gendarme , à qui dès lors la fortune de Mme Soudry devait appartenir .
Le jour où ce fils acquit officiellement une mère , il venait d' achever son droit à Paris et se proposait d' y faire son stage , afin d' entrer dans la magistrature .
Il est presque inutile de faire observer qu' une mutuelle intelligence de vingt années engendra l' amitié la plus solide entre les Gaubertin et les Soudry . Les uns et les autres devaient , jusqu' à la fin de leurs jours , se donner réciproquement urbi et orbi pour les plus honnêtes gens de France . Cet intérêt , basé sur une connaissance réciproque
LES PAYSANS (IX, campagn)
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