----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

- Je suis à mon affaire , Charles , à preuve que si tu veux me régaler à l' office des restes du déjeuner et d' une bouteille ou deux de vin d' Espagne , je te dirai trois mots qui t' éviteront de recevoir une danse ...
- Dites ? et François aura l' ordre de Monsieur de vous donner un verre de vin , répondit le valet de pied .
- C' est dit ?
- C' est dit .
- Eh ! bien , tu vas causer avec ma petite - fille Catherine sous l' arche du pont d' Avonne , Godain l' aime , il vous a vus , et il a la bêtise d' être jaloux ... Je dis une bêtise , car un paysan ne doit pas avoir des sentiments qui ne sont permis qu' aux riches . Si donc tu vas le jour de la fête de Soulanges à Tivoli pour danser avec elle , tu danseras plus que tu ne voudras ! ... Godain est avare et méchant , il est capable de te casser le bras sans que tu puisses l' assigner ...
- C' est trop cher . Catherine est belle , mais elle ne vaut pas ça , dit Charles , et pourquoi donc qu' il se fâche Godain ? Les autres ne se fâchent pas ...
- Ah ! il l' aime à l' épouser ...
- En voilà une qui sera battue ! ... dit Charles .
- C' est selon , dit le vieillard , elle tient de sa mère sur qui Tonsard n' a pas levé la main , tant il a eu peur de lui voir lever le pied ! Une femme qui sait se remuer , c' est bien profitant ... Et d' ailleurs , à la main chaude avec Catherine , quoiqu' il soit fort , Godain n' aurait pas le dernier .
- Tenez , père Fourchon , v' là quarante sous pour boire à ma santé , dans le cas où nous ne pourrions pas siroter de vin d' Alicante ... " Le père Fourchon détourna la tête en empochant la pièce pour que Charles ne pût pas voir une expression de plaisir et d' ironie qu' il lui fut impossible de réprimer .
" C' est une fière ribaude , Catherine , reprit le vieillard , elle aime le Malaga , ii faut lui dire de venir en chercher aux Aigues , imbécile ! " Charles regarda le père Fourchon avec une naïve admiration sans pouvoir deviner l' immense intérêt que les ennemis du général avaient à glisser un espion de plus dans le château .
" Le général doit être heureux , demanda le vieillard , les paysans sont bien tranquilles maintenant . Qu' en dit - il ? ... Est - il toujours content de Sibilet ? ...
LES PAYSANS (IX, campagn)
Page: 107