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d' où elles rapportaient chaque jour les nouvelles , en y colportant celles des Aigues , de Cerneux et de Couches . Quand on ne pouvait plus chasser , les trois Tonsard tendaient des collet .
Si les collets rendaient trop , la Tonsard faisait des pâtés expédiés à La - Ville - aux - Fayes .
Au temps de la moisson , sept Tonsard , la vieille mère , les deux garçons , tant qu' ils n' eurent pas dix - sept ans , les deux filles , le vieux Fourchon et Mouche glanaient , ramassaient près de seize boisseaux par jour , glanant seigle , orge , blé , tout grain bon à moudre .
Les deux vaches , menées d' abord par la plus jeune des deux filles , le long des routes , s' échappaient la plupart du temps dans les prés des Aigues ; mais comme , au moindre délit trop flagrant pour que le garde se dispensât de le constater , les enfants étaient ou battus ou privés de quelque friandise , ils avaient acquis une habileté singulière pour entendre les pas ennemis , et presque jamais le garde champêtre ou le garde des Aigues ne les surprenaient en faute .
D' ailleurs , les liaisons de ces dignes fonctionnaires avec Tonsard et sa femme leur mettaient une taie sur les yeux .
Les bêtes , conduites par de longues cordes , obéissaient d' autant mieux à un seul coup de rappel , à un cri particulier qui les ramenaient sur le terrain commun , qu' elles savaient , le péril passé , pouvoir achever leur lippée chez le voisin .
La vieille Tonsard , de plus en plus débile , avait succédé à Mouche depuis que Fourchon gardait son petit - fils naturel avec lui , sous prétexte de soigner son éducation .
Marie et Catherine faisaient de l' herbe dans le bois .
Elles y avaient reconnu les places où vient ce foin forestier si joli , si fin , qu' elles coupaient , fanaient , bottelaient et engrangeaient ; elles y trouvaient les deux tiers de la nourriture des vaches en hiver qu' on menait d' ailleurs paître pendant les belles journées aux endroits bien connus où l' herbe verdoie . Il y a , dans certains endroits de la vallée des Aigues , comme dans tous les pays dominés par des chaînes de montagnes , des terrains qui donnent , comme en Piémont et en Lombardie , de l' herbe en hiver . Ces prairies , nommées en Italie marciti , ont une grande valeur ;
mais en France , il ne leur faut ni trop grandes glaces ni trop de neige . Ce phénomène est dû sans doute à une exposition particulière , à des infiltrations d' eaux qui conservent une température chaude .
LES PAYSANS (IX, campagn)
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