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donna quelques pièces d' excellent vin pour allécher la pratique .
L' effet de ces présents , périodiques tant que le régisseur resta garçon , et la renommée de beauté peu sauvage qui signala la Tonsard aux don Juan de la vallée , achalandèrent le Grand - I - Vert .
En sa qualité de gourmande , la Tonsard devint excellente cuisinière , et quoique ses talents ne s' exerçassent que sur les plats en usage dans la campagne , le civet , la sauce du gibier , la matelote , l' omelette , elle passa dans le pays pour savoir admirablement cuisiner un de ces repas qui se mangent sur le bout de la table et dont les épices , prodiguées outre mesure , excitent à boire .
En deux ans , elle se rendit ainsi maîtresse de Tonsard et le poussa sur une pente mauvaise à laquelle il ne demandait pas mieux que de s' abandonner .
Ce drôle braconna constamment sans avoir rien à craindre . Les liaisons de sa femme avec Gaubertin l' intendant , avec les gardes particuliers et les autorités champêtres , le relâchement du temps lui assurèrent l' impunité . Dès que ses enfants furent assez grands , il en fit les instruments de son bien - être , sans se montrer plus scrupuleux pour leurs moeurs que pour celles de sa femme . Il eut deux filles et deux garçons . Tonsard , qui vivait , ainsi que sa femme , au jour le jour , aurait vu finir sa joyeuse vie , s' il n' eût pas maintenu constamment chez lui la loi quasi martiale de travailler à la conservation de son bien - être , auquel sa famille participait d' ailleurs . Quand sa famille fut élevée aux dépens de ceux à qui sa femme savait arracher des présents , voici quels furent la charte et le budget du Grand - I - Vert .
La vieille mère de Tonsard et ses deux filles , Catherine et Marie , allaient continuellement au bois , et revenaient deux fois par jour chargées à plier sous le poids d' un fagot qui tombait à leurs chevilles et dépassait leurs têtes de deux pieds . Quoique fait en dessus avec du bois mort , l' intérieur se composait de bois vert coupé souvent parmi les jeunes arbres . à la lettre , Tonsard prenait son bois pour l' hiver dans la forêt des Aigues . Le père et ses deux fils braconnaient continuellement . De septembre en mars , les lièvres , les lapins , les perdrix , les grives , les chevreuils , tout le gibier qui ne se consommait pas au logis , se vendait à Blangy , dans la petite ville de Soulanges , chef - lieu du Canton , où les deux filles de Tonsard fournissaient du lait , et
LES PAYSANS (IX, campagn)
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