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philosophes par la manière dont il avait résolu le problème de la vie fainéante et de la vie occupée , de manière à rendre la fainéantise profitable et l' occupation nulle .
Ouvrier en toutes choses , il savait travailler à la terre , mais pour lui seul .
Pour les autres , il creusait des fossés , fagotait , écorçait des arbres ou les abattait .
Dans ces travaux , le bourgeois est à la discrétion de l' ouvrier .
Tonsard avait dû son coin de terre à la générosité de Mlle Laguerre .
Dès sa première jeunesse Tonsard faisait des journées pour le jardinier du château , car il n' avait pas son pareil pour tailler les arbres d' allée , les charmilles , les haies , les marronniers de l' Inde .
Son nom indique assez un talent héréditaire .
Au fond des campagnes , il existe des privilèges obtenus et maintenus avec autant d' art qu' en déploient les commerçants pour s' attribuer les leurs .
Un jour , en se promenant , Madame entendit Tonsard , garçon bien découplé , disant : " Il me suffirait pourtant d' un arpent de terre pour vivre , et pour vivre heureusement !
" Cette bonne fille , habituée à faire des heureux , lui donna cet arpent de vignes en avant de la porte de Blangy , contre cent journées ( délicatesse peu comprise ! ) en lui permettant de rester aux Aigues , où il vécut avec les gens auxquels il parut être le meilleur garçon de la Bourgogne .
Ce pauvre Tonsard ( ce fut le mot de tout le monde ) travailla pendant environ trente journées sur les cent qu' il devait ; le reste du temps il baguenauda , riant avec les femmes de Madame , et surtout avec Mlle Cochet , la femme de chambre , quoiqu' elle fût laide comme toutes les femmes de chambre des belles actrices . Rire avec Mlle Cochet signifiait tant de choses que Soudry , l' heureux gendarme dont il est question dans la lettre de Blondet , regardait encore Tonsard de travers , après vingt - cinq ans . L' armoire en noyer , le lit à colonnes et à bonnes - grâces , ornements de la chambre à coucher , furent sans doute le fruit de quelque risette .
Une fois en possession de son champ , au premier qui lui dit que Madame le lui avait donné , Tonsard répondit : " Je l' ai parbleu bien acheté et bien payé . Est - ce que les bourgeois nous donnent jamais quelque chose ? est - ce donc rien que cent journées ? ça me coûte trois cents francs , et c' est tout cailloux ! " Le propos ne dépassa point la région populaire .
LES PAYSANS (IX, campagn)
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