----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Une fois que le sommeil a repris son équilibre , quand on a réparé les fatigues du voyage et qu' on s' est mis à l' unisson des habitudes champêtres , le moment de la vie de château le plus difficile à passer pour un Parisien qui n' est ni chasseur ni agriculteur , et qui porte des bottes fines est la première matinée .
Entre l' instant du réveil et celui du déjeuner , les femmes dorment ou font leurs toilettes et sont inabordables , le maître du logis est parti de bonne heure à ses affaires , un Parisien se voit donc seul de huit heures à onze heures , l' instant choisi dans presque tous les châteaux pour déjeuner .
Or , après avoir demandé des amusements aux minuties de la toilette , il a perdu bientôt cette ressource s' il n' a pas apporté quelque travail impossible à réaliser , et qu' il remporte vierge en en connaissant seulement les difficultés , un écrivain est donc obligé alors de tourner dans les allées du parc , de bayer aux corneilles , de compter les gros arbres .
Or , plus la vie est facile , plus ces occupations sont fastidieuses , à moins d' appartenir à la secte des quakers - tourneurs , à l' honorable corps des charpentiers ou des empailleurs d' oiseaux .
Si l' on devait comme les propriétaires , rester à la campagne , on meublerait son ennui de quelque passion pour la géologie , la minéralogie , l' entomologie , ou la flore du département , mais un homme raisonnable ne se donne pas un vice pour tuer une quinzaine de jours .
La plus magnifique terre , les plus beaux châteaux deviennent donc assez promptement insipides pour ceux qui n' en possèdent que la vue .
Les beautés de la nature semblent bien mesquines comparées à leur représentation au théâtre .
Paris scintille alors par toutes ses facettes .
Sans l' intérêt particulier qui vous attache , comme Blondet aux lieux honorés par les pas , éclairés par les yeux d' une certaine personne , on envierait aux oiseaux leurs ailes pour retourner aux perpétuels , aux émouvants spectacles de Paris et à ses déchirantes luttes .
La longue lettre écrite par le journaliste doit faire supposer aux esprits pénétrants qu' il avait atteint moralement et physiquement à cette phase particulière aux passions satisfaites aux bonheurs assouvis , et que tous les volatiles engraissés par force représentent parfaitement quand , la tête enfoncée dans leur gésier qui bombe , ils restent sur leurs pattes , sans pouvoir ni vouloir regarder le plus appétissant manger . Aussi , quand sa formidable lettre fut achevée , Blondet
LES PAYSANS (IX, campagn)
Page: 66