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Le principe de bienfaisance et de bonté qui gît au fond du coeur humain n' est pas aussi facilement étouffé qu' on le pense ; aussi les deux âmes qui vous tourmentent sont - elle précisément celles qui vous veulent le plus de bien .
Dans ces causeries si suaves de familiarités qui servent de liens aux plaisirs et qui sont , en quelque sorte , les caresses de nos pensées , souvent votre femme dit à votre Sosie : " Eh bien , je t' assure , Auguste , que maintenant je voudrais bien savoir mon pauvre mari heureux ; car , au fond , il est bon : s' il n' était pas mon mari , et qu' il ne fût que mon frère , il y a beaucoup de choses que je ferais pour lui plaire ! Il m' aime , et - son amitié me gêne .
- Oui , c' est un brave homme ! ... "
Vous devenez alors l' objet du respect de cet célibataire , qui voudrait vous donner tous les dédommagements possibles pour le tort qu' il vous fait ; mais il est arrêté par cette fierté dédaigneuse , dont l' expression se mêle à tous vos discours , et qui s' empreint dans tous vos gestes .
En effet , dans les premiers moments où le minotaure arrive , un homme ressemble à un acteur embarrassé sur un théâtre où il n' a pas l' habitude de se montrer . Il est très difficile de savoir porter sa sottise avec dignité ; mais cependant les caractères généreux ne sont pas encore tellement rares qu' on ne puisse en trouver un pour notre mari modèle .
Alors , insensiblement vous êtes gagné par la grâce des procédés dont vous accable votre femme . Madame prend avec vous un ton d' amitié qui ne l' abandonnera plus désormais . La douceur de votre intérieur est une des premières compensations qui rendent à un mari le minotaure moins odieux .
Mais , comme il est dans la nature de l' homme de s' habituer aux plus dures conditions , malgré ce sentiment de noblesse que rien ne saurait altérer , vous êtes amené , par une fascination dont la puissance vous enveloppe sans cesse , à ne pas vous refuser aux petites douceurs de votre position .
Supposons que le malheur conjugal soit tombé sur un gastrolâtre ! Il demande naturellement des consolations à son goût . Son plaisir , réfugié en d' autres qualités sensibles de son être , prend d' autres habitudes . Vous vous façonnez à d' autres sensations .

MARIAGE PHYSIOLOGIE (XI, analyt)
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