----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Quand Augustine eut l' imprudence de raconter les griefs véritables qu' elle avait à exposer contre son mari , les deux vieillards restèrent muets d' indignation . Le mot de divorce fut bientôt prononcé par Mme Guillaume . Au mot de divorce , l' inactif négociant fut comme réveillé . Stimulé par l' amour qu' il avait pour sa fille , et aussi par l' agitation qu' un procès allait donner à sa vie sans événements , le père Guillaume prit la parole .
Il se mit à la tête de la demande en divorce , la dirigea , plaida presque , il offrit à sa fille de se charger de tous les frais de voir les juges , les avoués , les avocats , de remuer ciel et terre .
Mme de Sommervieux , effrayée , refusa les services de son père , dit qu' elle ne voulait pas se séparer de son mari , dût - elle être dix fois plus malheureuse encore , et ne parla plus de ses chagrins .
Après avoir été accablée par ses parents de tous ces petits soins muets et consolateurs par lesquels les deux vieillards essayèrent de la dédommager , mais en vain , de ses peines de coeur , Augustine se retira en sentant l' impossibilité de parvenir à faire bien juger les hommes supérieurs par des esprits faibles .
Elle apprit qu' une femme devait cacher à tout le monde , même à ses parents , des malheurs pour lesquels on rencontre si difficilement des sympathies .
Les orages et les souffrances des sphères élevées ne sont apprécies que par les nobles esprits qui les habitent .
En toute chose , nous ne pouvons être jugés que par nos pairs .
La pauvre Augustine se retrouva donc dans la froide atmosphère de son ménage , livrée à l' horreur de ses méditations . L' étude n' était plus rien pour elle , puisque l' étude ne lui avait pas rendu le coeur de son mari .
Initiée aux secrets de ces âmes de feu , mais privée de leurs ressources , elle participait avec force à leurs peines sans partager leurs plaisirs . Elle s' était dégoûté du monde , qui lui semblait mesquin et petit devant les événements des passions .
Enfin , sa vie était manquée . Un soir , elle fut frappée d' une pensée qui vint illuminer ses ténébreux chagrins comme un rayon céleste . Cette idée ne pouvait sourire qu' à un coeur aussi pur , aussi vertueux que l' était le sien .

MAISON CHAT PELOTE (I, privé)
Page: 84