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Incapable de réfléchir , l' heureuse Augustine se prêtait à l' allure onduleuse de son bonheur : elle ne croyait pas faire encore assez en se livrant toute à l' amour permis et saint du mariage ; simple et naïve , elle ne connaissait d' ailleurs ni la coquetterie des refus , ni l' empire qu' une jeune demoiselle du grand monde se crée sur un mari par d' adroits caprices ; elle aimait trop pour calculer l' avenir , et n' imaginait pas qu' une vie si délicieuse pût jamais cesser .
Heureuse d' être alors tous les plaisirs de son mari , elle crut que cet inextinguible amour serait toujours pour elle la plus belle de toutes les parures , comme son dévouement et son obéissance seraient un éternel attrait .
Enfin , la félicité de l' amour l' avait rendue si brillante , que sa beauté lui inspira de l' orgueil et lui donna la conscience de pouvoir toujours régner sur un homme aussi facile à enflammer que M .
de Sommervieux . Ainsi son état de femme ne lui apporta d' autres enseignements que ceux de l' amour .
Au sein de ce bonheur , elle resta l' ignorante petite fille qui vivait obscurément rue Saint - Denis , et ne pensa point à prendre les manières , l' instruction , le ton du monde dans lequel elle devait vivre .
Ses paroles étant des paroles d' amour , elle y déployait bien une sorte de souplesse d' esprit et une certaine délicatesse d' expression ; mais elle se servait du langage commun à toutes les femmes quand elles se trouvent plongées dans la passion qui semble être leur élément .
Si , par hasard , une idée discordante avec celles de Théodore était exprimée par Augustine , le jeune artiste en riait comme on rit des premières fautes que fait un étranger , mais qui finissent par fatiguer s' il ne se corrige pas .
Malgré tant d' amour , à l' expiration de cette année aussi charmante que rapide , Sommervieux sentit un matin la nécessité de reprendre ses travaux et ses habitudes .
Sa femme était d' ailleurs enceinte . Il revit ses amis .
Pendant les longues souffrances de l' année où , pour la première fois , une jeune femme nourrit un enfant , il travailla sans doute avec ardeur ; mais parfois il retourna chercher quelques distractions dans le grand monde .

MAISON CHAT PELOTE (I, privé)
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