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à peu près à une demi - lieue du village , Raphaël se trouva dans un endroit où , coquette et joyeuse comme un enfant , la nature semblait avoir pris plaisir à cacher des trésors ; en voyant cette retraite pittoresque et naïve , il résolut d' y vivre . La vie devait y être tranquille , spontanée , frugiforme comme celle d' une plante .
Figurez - vous un cône renversé , mais un cône de granit largement évasé , espèce de cuvette dont les bords étaient morcelés par des anfractuosités bizarres : ici des tables droites sans végétation , unies , bleuâtres , et sur lesquelles les rayons solaires glissaient comme sur un miroir ; là des rochers entamés par des cassures , ridés par des ravins , d' où pendaient des quartiers de lave dont la chute était lentement préparée par les eaux pluviales , et souvent couronnés de quelques arbres rabougris que torturaient les vents ; puis , çà et là , des redans obscurs et frais d' où s' élevait un bouquet de châtaigniers hauts comme des cèdres , ou des grottes jaunâtres qui ouvraient une bouche noire et profonde , palissée de ronces , de fleurs , et garnie d' une langue de verdure .
Au fond de cette coupe , peut - être l' ancien cratère d' un volcan , se trouvait un étang dont l' eau pure avait l' éclat du diamant .
Autour de ce bassin profond , bordé de granit , de saules , de glaïeuls , de frênes , et de mille plantes aromatiques alors en fleurs , régnait une prairie verte comme un boulingrin anglais ; son herbe fine et jolie était arrosée par les infiltrations qui ruisselaient entre les fentes des rochers , et engraissée par les dépouilles végétales que les orages entraînaient sans cesse des hautes cimes vers le fond .
Irrégulièrement taillé en dents de loup comme le bas d' une robe , l' étang pouvait avoir trois arpents d' étendue ; selon les rapprochements des rochers et de l' eau , la prairie avait un arpent ou deux de largeur ; en quelques endroits , à peine restait - il assez de place pour le passage des vaches .
à une certaine hauteur , la végétation cessait .
Le granit affectait dans les airs les formes les plus bizarres , et contractait ces teintes vaporeuses qui donnent aux montagnes élevées de vagues ressemblances avec les nuages du ciel .
Au doux aspect du vallon , ces rochers nus et pelés opposaient les sauvages et stériles images de la désolation , des éboulements à craindre , des formes si capricieuses que l' une de ces roches est nommée le Capucin , tant elle ressemble à un moine .

PEAU DE CHAGRIN (X, philo)
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