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Bientôt cette vieille fille et son ingénuité quadragénaire fut à ses yeux une nouvelle transformation de ce monde artificieux et taquin , une ruse mesquine , un complot maladroit , une pointillerie de prêtre ou de femme . Le duel était - il une fable , ou voulait - on seulement lui faire peur ? Insolentes et tracassières comme des mouches , ces âmes étroites avaient réussi à piquer sa vanité , à réveiller son orgueil , à exciter sa curiosité . Ne voulant ni devenir leur dupe , ni passer pour un lâche , et amusé peut - être par ce petit drame , il vint au Cercle le soir même .
Il se tint debout , accoudé sur le marbre de la cheminée , et resta tranquille au milieu du salon principal , en s' étudiant à ne donner aucune prise sur lui ; mais il examinait les visages , et défiait en quelque sorte l' assemblée par sa circonspection .
Comme un dogue sûr de sa force , il attendait le combat chez lui , sans aboyer inutilement .
Vers la fin de la soirée , il se promena dans le salon de jeu , en allant de la porte d' entrée à celle du billard , où il jetait de temps à autre un coup d' oeil aux jeunes gens qui y faisaient une partie .
Après quelques tours , il s' entendit nommer par eux . Quoiqu' ils parlassent à voix basse , Raphaël devina facilement qu' il était devenu l' objet d' un débat , et finit par saisir quelques phrases dites à haute voix .
" Toi ? - Oui , moi ! - Je t' en défie ! - Parions ? - Oh ! il ira . " Au moment où Valentin , curieux de connaître le sujet du pari , s' arrêta pour écouter attentivement la conversation , un jeune homme grand et fort , de bonne mine , mais ayant le regard fixe et impertinent des gens appuyés sur quelque pouvoir matériel , sortit du billard .
" Monsieur , dit - il d' un ton calme en s' adressant à Raphaël , je me suis chargé de vous apprendre une chose que vous semblez ignorer : votre figure et votre personne déplaisent ici à tout le monde , et à moi en particulier ; vous êtes trop poli pour ne pas vous sacrifier au bien général , et je vous prie de ne plus vous présenter au Cercle .
- Monsieur , cette plaisanterie , déjà faite sous l' Empire dans plusieurs garnisons , est devenue aujourd' hui de fort mauvais ton , répondit froidement Raphaël .
- Je ne plaisante pas , reprit le jeune homme , je vous le répète : votre santé souffrirait beaucoup de votre séjour ici ; la chaleur , les lumières , l' air du salon , la compagnie nuisent à votre maladie .
- Où avez - vous étudié la médecine ? demanda Raphaël .
- Monsieur , j' ai été reçu bachelier au tir de Lepage à Paris , et docteur chez Cérisier , le roi du fleuret .
PEAU DE CHAGRIN (X, philo)
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