----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Supposez une inquiétude quelconque sur la marche des affaires , le gouvernement aura créé la queue de l' argent , comme on a créé dans la Révolution la queue du pain . Autant de caisses , autant d' émeutes . Si dans un coin trois gamins arborent un seul drapeau voilà une révolution . Mais ce danger , quelque grand qu' il puisse être , me semble encore moindre que celui de la démoralisation du peuple .
Une Caisse d' épargne est l' inoculation des vices engendrés par l' intérêt à des gens que ni l' éducation ni le raisonnement ne retiennent dans leurs combinaisons tacitement criminelles .
Et voilà les effets de la philanthropie . Un grand politique doit être un scélérat abstrait , sans quoi les Sociétés sont mal menées .
Un politique honnête homme est une machine à vapeur qui sentirait , ou un pilote qui ferait l' amour en tenant la barre : le bateau sombre . Un premier ministre qui prend cent millions et qui rend la France grande et heureuse n' est - il pas préférable à un ministre enterré aux frais de l' État , mais qui a ruiné son pays ? Entre Richelieu , Mazarin , Potemkin , riches tous trois à chaque époque de trois cents millions , et le vertueux Robert Lindet , qui n' a su tirer parti ni des assignats , ni des biens nationaux , ou les vertueux imbéciles qui ont perdu Louis XVI , hésiteriez - vous ? Va ton train , Bixiou .
- Je ne vous expliquerai pas , reprit Bixiou , la nature de l' entreprise inventée par le génie financier de Nucingen , ce serait d' autant plus inconvenant qu' elle existe encore aujourd' hui , ses actions sont cotées à la Bourse ; les combinaisons étaient si réelles , l' objet de l' entreprise si vivace , que , créées au capital nominal de mille francs , établies par une ordonnance royale , descendues à trois cents francs , elles ont remonté à sept cents francs , et arriveront au pair après avoir traversé les orages des années 27 , 30 et 32 .
La crise financière de 1827 les fit fléchir , la Révolution de Juillet les abattit , mais l' affaire a des réalités dans le ventre ( Nucingen ne saurait inventer une mauvaise affaire ) .
Enfin , comme plusieurs maisons de banque du premier ordre y ont participé , il ne serait pas parlementaire d' entrer dans plus de détails .
Le capital nominal fut de dix millions , capital réel sept , trois millions appartenaient aux fondateurs et aux banquiers chargés de l' émission des actions .
Tout fut calculé pour faire arriver dans les six premiers mois l' action à gagner deux cents francs , par la distribution d' un faux dividende .

MAISON NUCINGEN (VI, paris)
Page: 379