----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Je le sens : mon amour ( il lui baisa bien tendrement la main ) ne peut que te devenir funeste . J' ai vécu , tu le sais , à vingt - deux ans avec Florine ; mais ce qui s' excuse au jeune âge , ce qui semble alors joli , charmant , est déshonorant à quarante ans .
Jusqu' à présent nous avons partagé le fardeau de notre existence , elle n' est pas belle depuis dix - huit mois . Par dévouement pour moi , tu vas mise tout en noir , ce qui ne me fait pas honneur ... " Dinah fit un de ces magnifiques mouvements d' épaule qui valent tous les discours du monde ... " Oui , dit Étienne en continuant , je le sais , tu sacrifies tout à mes goûts , même ta beauté .
Et moi , le coeur usé dans les luttes , l' âme pleine de pressentiments mauvais sur mon avenir , je ne récompense pas ton suave amour par un amour égal .
Nous avons été très heureux , sans nuages pendant longtemps ... Eh bien , je ne veux pas voir mal finir un si beau poème , ai - je tort ? ... "
Mme de La Baudraye aimait tant Étienne , que cette sagesse digne de M . de Clagny lui fit plaisir , et sécha ses larmes .
" Il m' aime donc pour moi ! " se dit - elle en le regardant avec un sourire dans les yeux .
Après quatre années d' intimité , l' amour de cette femme avait fini par réunir toutes les nuances découvertes par notre esprit d' analyse et que la société moderne a créées ; un des hommes les plus remarquables de ce temps , dont la perte récente afflige encore les lettres , Beyle ( Stendhal ) les a , le premier , parfaitement caractérisées .
Lousteau produisait sur Dinah cette vive commotion , explicable par le magnétisme , qui met en désarroi les forces de l' âme et du corps , qui détruit tout principe de résistance chez les femmes .
Un regard de Lousteau , sa main posée sur celle de Dinah la rendaient tout obéissance .
Une parole douce , un sourire de cet homme fleurissaient l' âme de cette pauvre femme , émue ou attristée par la caresse ou par la froideur de ses yeux ; lorsqu' elle lui donnait le bras en marchant à son pas , dans la rue ou sur le boulevard , elle était si bien fondue en lui qu' elle perdait la conscience de son moi .
Charmée par l' esprit , magnétisée par les manières de ce garçon , elle ne voyait que de légers défauts dans ses vices .

MUSE DU DEPARTEMENT (IV, provinc)
Page: 771