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- Et assez haut pour qu' il vous reste de quoi attacher votre corde , reprit le porte - clefs . - Où est - elle ? demanda Beauvoir . - La voici , répondit le guichetier en lui jetant une corde à noeuds . Elle a été fabriquée avec du linge afin de faire supposer que vous l' avez confectionnée vous - même , et elle est de longueur suffisante . Quand vous serez au dernier noeud , laissez - vous couler tout doucement , le reste est votre affaire .
Vous trouverez probablement dans les environs une voiture tout attelée et des amis qui vous attendent . Mais je ne sais rien , moi ! Je n' ai pas besoin de vous dire qu' il y a une sentinelle au dret de la tour .
Vous saurez ben choisir une nuit noire et guetter le moment où le soldat de faction dormira . Vous risquerez peut - être d' attraper un coup de fusil ; mais ... - C' est bon ! c' est bon , je ne pourrirai pas ici , s' écria le chevalier .
- Ah ! ça se pourrait bien tout de même " , répliqua le geôlier d' un air bête . Beauvoir prit cela pour une de ces réflexions niaises que font ces gens - là .
L' espoir d' être bientôt libre le rendait si joyeux qu' il ne pouvait guère s' arrêter aux discours de cet homme , espèce de paysan renforcé . Il se mit à l' ouvrage aussitôt et la journée lui suffit pour scier les barreaux .
Craignant une visite du commandant , il cacha son travail , en bouchant les fentes avec de la mie de pain roulée dans de la rouille , afin de lui donner la couleur du fer .
Il serra sa corde , et se mit à épier quelque nuit favorable , avec cette impatience concentrée et cette profonde agitation d' âme qui dramatisent la vie des prisonniers .
Enfin , par une nuit grise , une nuit d' automne , il acheva de scier les barreaux , attacha solidement sa corde , s' accroupit à l' extérieur sur le support de pierre , en se cramponnant d' une main au bout de fer qui restait dans la baie .
Puis il attendit ainsi le moment le plus obscur de la nuit et l' heure à laquelle les sentinelles doivent dormir . C' est vers le matin , à peu près . Il connaissait la durée des factions , l' instant des rondes , toutes choses dont s' occupent les prisonniers , même involontairement .
Il guetta le moment où l' une des sentinelles serait aux deux tiers de sa faction et retirée dans sa guérite , à cause du brouillard .
Certain d' avoir réuni toutes les chances favorables à son évasion , il se mit alors à descendre , noeud à noeud , suspendu entre le ciel et la terre , en tenant sa corde avec une force de géant .
Tout alla bien . à l' avant - dernier noeud , au moment de se laisser couler à terre , il s' avisa , par une pensée prudente , de chercher le sol avec ses pieds , et ne trouva pas de sol .

MUSE DU DEPARTEMENT (IV, provinc)
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