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Ce poème , infiniment supérieur à Paquita la Sévillane , eut beaucoup moins de succès . Depuis ce double essai , Mme de La Baudraye , en se sachant poète , eut des éclairs soudains sur le front , dans les yeux qui la rendirent plus belle qu' autrefois . Elle jetait les yeux sur Paris , elle aspirait à la gloire et retombait dans son trou de La Baudraye , dans ses chicanes journalières avec son mari , dans son cercle où les caractères , les intentions , le discours étaient trop connus pour ne pas être devenus à la longue ennuyeux .
Si elle trouva dans ses travaux littéraires une distraction à ses malheurs , si , dans le vide de sa vie , la poésie eut de grands retentissements , si elle occupa ses forces la littérature lui fit prendre en haine la grise et lourde atmosphère de province .
Quand , après la révolution de 1830 , la gloire de George Sand rayonna sur le Berry , beaucoup de villes envièrent à La Châtre le privilège d' avoir vu naître une rivale à Mme de Staël , à Camille Maupin et furent assez disposées à honorer les moindres talents féminins .
Aussi vit - on alors beaucoup de Dixièmes Muses en France , jeunes filles ou jeunes femmes détournées d' une vie paisible par un semblant de gloire ! D' étranges doctrines se publiaient alors sur le rôle que les femmes devaient jouer dans la société .
Sans que le bon sens qui fait le fond de l' esprit en France en fût perverti , l' on passait aux femmes d' exprimer des idées , de professer des sentiments qu' elles n' eussent pas avoués quelques années auparavant .
M . de Clagny profita de cet instant de licence pour réunir , en un petit volume in - 18 qui fut imprimé par Desroziers , à Moulins , les oeuvres de Jan Diaz .
Il composa sur ce jeune écrivain , ravi si prématurément aux Lettres , une notice spirituelle pour ceux qui savaient le mot de l' énigme , mais qui n' avait pas alors en littérature le mérite de la nouveauté .
Ces plaisanteries , excellentes quand l' incognito se garde , deviennent un peu froides quand , plus tard , l' auteur se montre .
Mais sous ce rapport , la notice sur Jan Diaz , fils d' un prisonnier espagnol et né vers 1807 , à Bourges , a des chances pour tromper un jour les faiseurs de Biographies universelles . Rien n' y manque , ni les noms des professeurs du collège de Bourges , ni ceux des condisciples du poète mort , tels que Lousteau , Bianchon , et autres célèbres berruyers qui sont censés l' avoir connu rêveur , mélancolique , annonçant de précoces dispositions pour la poésie .

MUSE DU DEPARTEMENT (IV, provinc)
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