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Grâce à sa sordide économie , à l' indemnité qu' il reçut pour les biens de son père nationalement vendus en 1793 , le petit homme réalisa , vers 1827 , le rêve de toute sa vie ! ... En donnant quatre cent mille francs comptant et prenant des engagements qui le condamnaient à vivre pendant six ans , selon son expression , de l' air du temps , il put acheter , sur les bords de la Loire , à deux lieues au - dessus de Sancerre , la terre d' Anzy dont le magnifique château bâti par Philibert de Lorme est l' objet de la juste admiration des connaisseurs et qui , depuis cinq cents ans , appartenait à la maison d' Uxelles .
Il fut enfin compté parmi les grands propriétaires du pays ! Il n' est pas sûr que la joie causée par l' érection d' un majorat composé de la terre d' Anzy , du fief de La Baudraye et du domaine de La Hautoy , en vertu de lettres patentes en date de décembre 1829 , ait compensé les chagrins de Dinah , qui se vit alors réduite à une secrète indigence jusqu' en 1835 .
Le prudent La Baudraye ne permit pas à sa femme d' habiter Anzy ni d' y faire le moindre changement , avant le dernier paiement du prix .
Ce coup d' oeil sur la politique du premier baron de La Baudraye explique l' homme en entier .
Ceux à qui les manies des gens de province sont familières reconnaîtront en lui la passion de la terre , passion dévorante , passion exclusive , espèce d' avarice étalée au soleil et qui souvent mène à la ruine par un défaut d' équilibre entre les intérêts hypothécaires et les produits territoriaux .
Les gens qui , de 1802 à 1827 , se moquaient du petit La Baudraye en le voyant trottant à Saint - Thibault et s' y occupant de ses affaires avec l' âpreté d' un bourgeois vivant de sa vigne , ceux qui ne comprenaient pas son dédain de la faveur à laquelle il avait dû ses places aussitôt quittées qu' obtenues , eurent enfin le mot de l' énigme quand ce formicaléo sauta sur sa proie , après avoir attendu le moment où les prodigalités de la duchesse de Maufrigneuse amenèrent la vente de cette terre magnifique .
Mme Piédefer vint vivre avec sa fille . Les fortunes réunies de M . de La Baudraye et de sa belle - mère , qui s' était contentée d' une rente viagère de douze cents francs en abandonnant à son gendre le domaine de La Hautoy , composèrent un revenu visible d' environ quinze mille francs .
Pendant les premiers jours de son mariage , Dinah obtint des changements qui rendirent La Baudraye une maison très agréable .

MUSE DU DEPARTEMENT (IV, provinc)
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