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L' un des deux , Silas Piédefer , partit pour les Indes en abandonnant le modique héritage à son aîné . Pendant la révolution , Moïse Piédefer acheta des biens nationaux , abattit des abbayes et des églises à l' instar de ses ancêtres , et se maria , chose étrange , avec une catholique , fille unique d' un conventionnel mort sur l' échafaud . Cet ambitieux Piédefer mourut en 1819 , laissant à sa femme une fortune compromise par des spéculations agricoles , et une petite fille de douze ans d' une beauté surprenante . Élevée dans la religion calviniste , cet enfant avait été nommée Dinah , suivant l' usage en vertu duquel les religionnaires prenaient leurs noms dans la Bible pour n' avoir rien de commun avec les saints de l' Église romaine .
Mlle Dinah Piédefer , mise par sa mère dans un des meilleurs pensionnats de Bourges , celui des demoiselles Chamarolles , y devint aussi célèbre par les qualités de son esprit que par sa beauté ; mais elle s' y trouva primée par des jeunes filles nobles , riches et qui devaient plus tard jouer dans le monde un rôle beaucoup plus beau que celui d' une roturière dont la mère attendait les résultats de la liquidation Piédefer .
Après avoir su s' élever momentanément au - dessus de ses compagnes , Dinah voulut aussi se trouver de plain - pied avec elles dans la vie .
Elle inventa donc d' abjurer le calvinisme , en espérant que le Cardinal protégerait sa conquête spirituelle et s' occuperait de son avenir .
Vous pouvez juger déjà de la supériorité de Mlle Dinah qui , dès l' âge de dix - sept ans , se convertissait uniquement par ambition .
L' archevêque , imbu de l' idée que Dinah Piédefer devait faire l' ornement du monde , essaya de la marier .
Toutes les familles auxquelles s' adressa le prélat s' effrayèrent d' une fille douée d' une prestance de princesse , qui passait pour la plus spirituelle des jeunes personnes élevées chez les demoiselles de Chamarolles , et qui , dans les solennités un peu théâtrales des distributions de prix , jouait toujours les premiers rôles .
Assurément mille écus de rentes , que pouvait rapporter le domaine de La Hautoy indivis entre la fille et la mère , étaient peu de chose en comparaison des dépenses auxquelles les avantages personnels d' une créature si spirituelle entraînerait un mari .
Dès que le petit Polydore de La Baudraye apprit ces détails dont parlaient toutes les sociétés du département du Cher , il se rendit à Bourges , au moment où Mme Piédefer , dévote à grandes Heures , était à peu près déterminée ainsi que sa fille à prendre , selon l' expression du Berry , le premier chien coiffé venu .

MUSE DU DEPARTEMENT (IV, provinc)
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