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Ces deux grandes et magnifiques nécessités sociales y sont bien représentées ; mais ne serait - ce pas renoncer au beau titre d' historien que de n' être pas impartial , que de ne pas montrer ici la dégénérescence de la race , comme vous trouverez ailleurs la figure de l' Émigré dans le comte de Mortsauf ( voyez Le Lys dans la vallée ) , et toutes les noblesses de la noblesse dans le marquis d' Espard ( voyez L' Interdiction ) ? Comment la race des forts et des vaillants , comment la maison de ces fiers d' Hérouville , qui donnèrent le fameux maréchal à la Royauté , des cardinaux à l' Église , des capitaines aux Valois , des preux à Louis XIV , aboutissait - elle à un être frêle , et plus petit que Butscha ? C' est une question qu' on peut se faire dans plus d' un salon de Paris , en entendant annoncer plus d' un grand nom de France et voyant entrer un homme petit , fluet mince , qui semble n' avoir que le souffle , ou de hâtifs vieillards , ou quelque création bizarre chez qui l' observateur recherche à grand - peine un trait où l' imagination puisse retrouver les signes d' une ancienne grandeur .
Les dissipations du règne de Louis XV , les orgies de ce temps égoïste et funeste ont produit la génération étiolée chez laquelle les manières seules survivent aux grandes qualités évanouies .
Les formes , voilà le seul héritage que conservent es nobles .
Aussi , à part quelques exceptions , peut - on expliquer l' abandon dans lequel Louis XVI a péri par le pauvre reliquat du règne de Mme de Pompadour .
Blond , pâle et mince , le grand écuyer , jeune homme aux yeux bleus , ne manquait pas d' une certaine dignité dans la pensée ; mais sa petite taille et les fautes de sa tante , qui l' avaient conduit à courtiser vainement les Vilquin , lui donnaient une excessive timidité .
Déjà la famille d' Hérouville avait failli périr par le fait d' un avorton ( voyez L' Enfant maudit , ETUDES PHILOSOPHIQUE ) .
Le grand maréchal , car on appelait ainsi dans la famille celui que Louis XIII avait fait duc , s' était marié à quatre - vingt - deux ans , et naturellement la famille avait continué .
Néanmoins le jeune duc aimait les femmes , mais il les mettait trop haut , il les respectait trop , il les adorait , et il n' était à son aise qu' avec celles qu' on ne respecte pas .
Ce caractère l' avait conduit à mener une vie en partie double .
Il prenait sa revanche avec les femmes faciles des adorations auxquelles il se livrait dans les salons , ou , si vous voulez , dans les boudoirs du faubourg Saint - Germain .

MODESTE MIGNON (I, privé)
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