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Revenu avec le roi en 1814 , le vieux maréchal , père du duc actuel , mourut en 1819 sans avoir pu marier son fils , quoiqu' il fût duc de Nivron ; il ne lui laissa que l' immense château d' Hérouville , le parc , quelques dépendances et une ferme assez péniblement rachetée , en tout quinze mille francs de rente . Louis XVIII donna la charge de grand écuyer au fils , qui , sous Charles X , eut les douze mille francs de pension accordés aux pairs de France pauvres .
Qu' étaient les appointements de grand écuyer et vingt - sept mille francs de rente pour cette famille ? à Paris , le jeune duc avait , il est vrai , les voitures du roi , son hôtel rue Saint - Thomas - du - Louvre , à la grande écurie ; mais ses appointements défrayaient son hiver et les vingt - sept mille francs défrayaient l' été dans la Normandie .
Si ce grand seigneur restait encore garçon , il y avait moins de sa faute que de celle de sa tante , qui ne connaissait pas les fables de La Fontaine .
Mlle d' Hérouville eut des prétentions énormes , en désaccord avec l' esprit du siècle , car les grands noms sans argent ne pouvaient guère trouver de riches héritières dans la haute noblesse française , déjà bien embarrassée d' enrichir ses fils ruinés par le partage égal des biens .
Pour marier avantageusement le jeune duc d' Hérouville , il aurait fallu caresser les grandes maisons de Banque , et la hautaine fille des d' Hérouville les froissa toutes par des mots sanglants .
Pendant les premières années de la Restauration , de 1817 à 1825 , tout en cherchant des millions , Mlle d' Hérouville refusa Mlle Mongenod , fille du banquier , de qui se contenta M .
de Fontaine .
Enfin , après de belles occasions manquées par sa faute , elle trouvait en ce moment la fortune des Nucingen trop turpidement ramassée pour se prêter à l' ambition de Mme de Nucingen , qui voulait faire de sa fille une duchesse .
Le roi , dans le désir de rendre aux d' Hérouville leur splendeur , avait presque ménagé ce mariage , et il taxa publiquement Mlle d' Hérouville de folie .
La tante rendit ainsi son neveu ridicule , et le duc prêtait au ridicule . En effet , quand les grandes choses humaines s' en vont , elles laissent des miettes , des frusteaux , dirait Rabelais , et la noblesse française nous montre en ce siècle beaucoup trop de restes .
Certes dans cette longue histoire des moeurs , ni le clergé ni la noblesse n' ont à se plaindre .

MODESTE MIGNON (I, privé)
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