----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Ernest resta pendant toute la messe à la porte , sans avoir vu parmi les femmes personne qui réalisât ses espérances . Modeste , elle , ne put maîtriser son tremblement que vers la fin du service . Elle éprouva des joies qu' elle seule pouvait dépeindre . Elle entendit enfin sur les dalles le bruit d' un pas d' homme comme il faut ; car la messe était dite , Ernest faisait le tour de l' église où il ne se trouvait plus que les dilettanti de la dévotion qui devinrent l' objet d' une savante et perspicace analyse .
Ernest remarqua le tremblement excessif du paroissien dans les mains de la personne voilée à son passage ; et , comme elle était la seule qui cachât sa figure , il eut des soupçons que confirma la mise de Modeste étudiée avec un soin d' amant curieux .
Il sortit quand Mme Latournelle quitta l' église , il la suivit à une distance honnête , et la vit rentrant avec Modeste , rue Royale où , selon son habitude , Mlle Mignon attendait l' heure des vêpres .
Après avoir toisé la maison ornée de panonceaux Ernest demanda le nom du notaire à un passant , qui lui nomma presque orgueilleusement M .
Latournelle le premier notaire du Havre ... Quand il longea la rue Royale pour essayer de plonger dans l' intérieur de la maison , Modeste aperçut son amant , elle se dit alors si malade qu' elle n' alla pas à vêpres , et Mme Latournelle lui tint compagnie .
Ainsi le pauvre Ernest en fut pour ses frais de croisière . Il n' osa pas flâner à Ingouville , il se fit un point d' honneur d' obéir , et revint à Paris après avoir écrit , en attendant le départ de la voiture une lettre que Fransoise Cochet devait recevoir le lendemain , timbrée du Havre .
Tous les dimanches , M . et Mme Latournelle dînaient au chalet , où ils reconduisaient Modeste après vêpres . Aussi , dès que la jeune malade se trouva mieux , remontèrent - ils à Ingouville accompagnés de Butscha .
L' heureuse Modeste fit alors une charmante toilette . Quand elle descendit pour dîner , elle oublia son déguisement du matin , sa prétendue fluxion , et fredonna :
Rien ne dort plus , mon coeur ! la violette
Élève à Dieu l' encens de son réveil .
Butscha ressentit un léger frisson à l' aspect de Modeste tant elle lui parut changée , car les ailes de l' amour étaient comme attachées à ses épaules , elle avait l' air d' une sylphide , elle montrait sur ses joues le divin coloris du plaisir .

MODESTE MIGNON (I, privé)
Page: 578