----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Or , tu sais , mon pauvre Dumay , le malheur que nous avons dû au fatal éclat que répand l' opulence . J' y ai perdu l' honneur d' une de mes filles . J' ai ramené à Java le plus malheureux des pères , un pauvre négociant hollandais riche de neuf millions , à qui ses deux filles furent enlevées par des misérables , et nous avons pleuré comme deux enfants , ensemble .
Donc je ne veux pas que l' on connaisse ma fortune . Aussi n' est - ce pas au Havre que je débarquerai , mais à Marseille .
Mon second est un Provençal , un ancien serviteur de ma famille , à qui j' ai fait faire une petite fortune . Castagnould aura mes instructions pour racheter La Bastie , et je traiterai de l' indigo par l' entremise de la maison Mongenod .
Je mettrai mes fonds à la Banque de France , et je reviendrai vous trouver , en ne me donnant qu' une fortune ostensible d' environ un million en marchandises . Mes filles seront censées avoir deux cent mille francs .
Choisir celui de mes gendres qui sera digne de succéder à mon nom , à mes armes , à mes titres , et de vivre avec nous , sera ma grande affaire ; mais je les veux tous deux , comme toi et moi , éprouvés , fermes , loyaux , honnêtes gens absolument .
Je n' ai pas douté de toi , mon vieux , un seul instant . J' ai pensé que ma bonne et excellente femme , la tienne et toi , vous avez tracé une haie infranchissable autour de ma fille , et que je pourrai mettre un baiser plein d' espérances sur le front pur de l' ange qui me reste .
Bettina - Caroline , si vous avez su sauver sa faute , aura de la fortune .
Après avoir fait la guerre et le commerce , nous allons faire de l' agriculture , et tu seras notre intendant . Cela te va - t - il ? Ainsi , mon vieil ami , te voilà le maître de ta conduite avec ma famille , de dire ou de taire mes succès .
Je m' en fie à ta prudence ; tu diras ce que tu jugeras convenable . En quatre ans , il peut être survenu tant de changements dans les caractères .
Je te laisse être le juge , tant je crains la tendresse de ma femme pour ses filles . Adieu , mon vieux Dumay . Dis à mes filles et à ma femme que je n' ai jamais manqué de les embrasser de coeur tous les jours , soir et matin .
Le second mandat , également personnel , de quarante mille francs , est pour mes filles et ma femme , en attendant
" Ton patron et ami ,

MODESTE MIGNON (I, privé)
Page: 558