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Le lendemain , Modeste et Mme Dumay conduisirent vers midi , Mme Mignon au soleil , sur le banc , au milieu des fleurs . L' aveugle tourna sa figure blême et flétrie du côté de l' Océan , elle aspira l' odeur de la mer et prit la main à Modeste qui resta près d' elle . Au moment de questionner sa fille , la mère luttait entre le pardon et la remontrance , car elle avait reconnu l' amour , et Modeste lui paraissait , comme au faux Canalis , une exception .
" Pourvu que ton père revienne à temps ! s' il tarde encore , il ne trouvera plus que toi de tout ce qu' il aime ! aussi , Modeste , promets - moi de nouveau de ne jamais le quitter " , dit - elle avec une câlinerie maternelle .
Modeste porta les mains de sa mère à ses lèvres et les baisa doucement en répondant : " Ai - je besoin de te le redire ?
Ah ! mon enfant , c' est que moi - même j' ai quitté mon père pour suivre mon mari ! ... mon père était seul cependant , il n' avait que moi d' enfant ... Est - ce là ce que Dieu punit dans ma vie ? ... Ce que je te demande , c' est de te marier au goût de ton père , de lui conserver une place dans ton coeur , de ne pas le sacrifier à ton bonheur , de le garder au milieu de la famille .
Avant de perdre la vue , je lui ai écrit mes volontés , il les exécutera ; je lui enjoins de retenir sa fortune en entier , non que j' aie une pensée de défiance contre toi , mais est - on jamais sûr d' un gendre ? Moi , ma fille , ai - je été raisonnable ? Un clin d' oeil a décidé de ma vie .
La beauté , cette enseigne si trompeuse , a dit vrai pour moi ; mais , dût - il en être de même pour toi , pauvre enfant , jure - moi que si , de même que ta mère , l' apparence t' entraînait , tu laisserais à ton père le soin de s' enquérir des moeurs , du coeur et de la vie antérieure de celui que tu aurais distingué , si par hasard tu distinguais un homme .
Je ne me marierai jamais qu' avec le consentement de mon père , " répondit Modeste .
La mère garda le plus profond silence après avoir reçu cette réponse , et sa physionomie quasi morte annonçait qu' elle la méditait à la manière des aveugles , en étudiant en elle - même l' accent que sa fille y avait mis .
" C' est que , vois - tu , mon enfant , dit enfin Mme Mignon après un long silence , si la faute de Caroline me fait mourir à petit feu , ton père ne survivrait pas à la tienne , je le connais , il se brûlerait la cervelle , il n' y aurait plus ni vie ni bonheur sur la terre pour lui ... "

MODESTE MIGNON (I, privé)
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