----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

" Ne direz - vous pas : " Elle est bien bavarde ! " Autour de moi , tous disent : " Elle est bien taciturne , mademoiselle ! " "
" O . D' ESTE - M . "
Ces lettres ont paru très originales aux personnes à la bienveillance de qui La Comédie humaine les doit ; mais leur admiration pour ce duel entre deux esprits croisant la plume , tandis que le plus sévère incognito met un masque sur les visages , pourrait ne pas être partagée .
Sur cent spectateurs quatre - vingts peut - être se lasseraient de cet assaut . Le respect dû , dans tout pays de gouvernement constitutionnel , à la majorité , ne fût - elle que pressentie , a conseillé de supprimer onze autres lettres échangées entre Ernest et Modeste , pendant le mois de septembre ; si quelque flatteuse majorité les réclame , espérons qu' elle donnera les moyens de les rétablir quelque jour ici .
Sollicités par un esprit aussi agressif que le coeur semblait adorable , les sentiments vraiment héroïques du pauvre secrétaire intime se donnèrent ample carrière dans ces lettres que l' imagination de chacun fera peut - être plus belles qu' elles ne le sont , en devinant ce concert de deux âmes libres .
Aussi Ernest ne vivait - il plus que par ces doux chiffons de papier , comme un avare ne vit plus que par ceux de la Banque ; tandis qu' un amour profond succédait chez Modeste au plaisir d' agiter une vie glorieuse , d' en être , malgré la distance , le principe .
Le coeur d' Ernest complétait la gloire de Canalis .
Il faut souvent , hélas ! deux hommes pour en faire un amant parfait , comme en littérature on ne compose un type qu' en employant les singularités de plusieurs caractères similaires . Combien de fois une femme n' a - t - elle pas dit dans un salon après des causeries intimes : " Celui - ci serait mon idéal pour l' âme , et je me sens aimer celui - là qui n' est que le rêve des sens ! "
La dernière lettre écrite par Modeste , et que voici , permet d' apercevoir l' île des Faisans où les méandres de cette correspondance conduisaient ces deux amants .
MODESTE MIGNON (I, privé)
Page: 553