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Quand même je me serais trompée à quelque belle et menteuse apparence , cet homme aura toutes les fleurs de mes pensées , toutes les coquetteries de ma tendresse , les muets sacrifices d' une résignation fière et non mendiante . Oui , je me suis promis de ne jamais suivre mon mari au - dehors quand il ne le voudra pas : je serai la divinité de son foyer .
Voilà ma religion humaine . Mais pourquoi ne pas éprouver et choisir l' homme à qui je serai comme la vie est au corps ? L' homme est - il jamais gêné de la vie ? Qu' est - ce qu' une femme contrariant celui qu' elle aime ? c' est la maladie au lieu de la vie .
Par la vie , j' entends cette heureuse santé qui fait de toute heure un plaisir .
" Revenons à votre lettre , qui me sera toujours précieuse . Oui , plaisanterie à part , elle contient ce que je souhaitais , une expression de sentiments prosaïques aussi nécessaires à la famille que l' air au poumon , et sans lesquels il n' est pas de bonheur possible .
Agir en homme , penser en poète , aimer comme aiment les femmes , voilà ce que je souhaitais à mon ami , et ce qui maintenant n' est , sans doute , plus une chimère .
" Adieu , mon ami . Je suis pauvre pour le moment . C' est une des raisons qui me font chérir mon masque , mon incognito , mon imprenable forteresse . J' ai lu vos derniers vers dans la Revue , et avec quelles délices ! après m' être initiée aux austères et secrètes grandeurs de votre âme .
" Serez - vous bien malheureux de savoir qu' une jeune fille prie Dieu fervemment pour vous , qu' elle fait de vous son unique pensée , et que vous n' avez pas d' autres rivaux qu' un père et une mère ? Y a - t - il des raisons de repousser des pages pleines de vous , écrites pour vous , qui ne seront lues que par vous ? Rendez - moi la pareille .
Je suis si peu femme encore que vos confidences , pourvu qu' elles soient entières et vraies , suffiront au bonheur de
" Votre O . D' ESTE - M . "

MODESTE MIGNON (I, privé)
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