----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

I
à MONSIEUR DE CANALIS
Déjà bien des fois , monsieur , j' ai voulu vous écrire et pourquoi ? vous le devinez : pour vous dire combien j' aime votre talent . Oui , j' éprouve le besoin de vous exprimer l' admiration d' une pauvre fille de province , seulette dans son coin , et dont tout le bonheur est de lire vos poésies .
De René , je suis venue à vous . La mélancolie conduit à la rêverie . Combien d' autres femmes ne vous ont - elles pas envoyé l' hommage de leurs pensées secrètes ? ... Quelle est ma chance d' être distinguée dans cette foule ? Qu' est - ce que ce papier , plein de mon âme , aura de plus que toutes les lettres parfumées qui vous harcèlent ? Je me présente avec plus d' ennuis que toute autre : je veux rester inconnue et demande une confiance entière , comme si vous me connaissiez depuis longtemps .
" Répondez - moi , soyez bon pour moi . Je ne prends pas l' engagement de me faire connaître un jour , cependant je ne dis pas absolument non . Que puis - je ajouter à cette lettre ? ... Voyez - y , monsieur , un grand effort , et permettez - moi de vous tendre la main , oh ! une main bien amie , celle de
" Votre servante
" O . D' ESTE - M . " Si vous me faites la grâce de me répondre , adressez e vous prie , votre lettre à Mlle F . Cochet , poste restante au Havre . "
Maintenant , toutes les jeunes filles , romanesques ou non , peuvent imaginer dans quelle impatience vécut Modeste pendant quelques jours ! L' air fut plein de langues de feu . Les arbres lui parurent un plumage .

MODESTE MIGNON (I, privé)
Page: 514