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" Adrien que vous voyez là m' a donc empêché d' aller à Sainte - Hélène . " Tiens , me dit - il , je ne t' ai jamais rien donné , tu n' étais pas de ceux qui avaient toujours une main pleine et l' autre ouverte ; voici la tabatière qui m' a servi pendant cette dernière campagne . Reste en France , il y faut des braves après tout ! Demeure au service , souviens - toi de moi .
Tu es de mon armée le dernier Égyptien que j' aurai vu debout en France . " Et il me donna une petite tabatière . " Fais graver dessus : honneur et patrie , me dit - il , c' est l' histoire de nos deux dernières campagnes .
" Puis , ceux qui l' accompagnaient l' ayant rejoint , je restai pendant toute la matinée avec eux . L' Empereur allait et venait sur la côte , il était toujours calme , mais il fronçait parfois les sourcils .
à midi , son embarquement fut jugé tout à fait impossible . Les Anglais savaient qu' il était à Rochefort , il fallait ou se livrer à eux ou retraverser la France .
Nous étions tous inquiets ! Les minutes étaient comme des heures . Napoléon se trouvait entre les Bourbons , qui l' auraient fusillé , et les Anglais , qui ne sont point des gens honorables , car ils ne se laveront jamais de la honte dont ils se sont couverts en jetant sur un rocher un ennemi qui leur demandait l' hospitalité .
Dans cette anxiété , je ne sais quel homme de sa suite lui présente le lieutenant Doret , un marin qui venait lui proposer les moyens de passer en Amérique .
En effet , il y avait dans le port un brick de l' État et un bâtiment marchand . " Capitaine ! lui dit l' Empereur , comment vous y prendriez - vous donc ? - Sire , répondit l' homme , vous serez sur le vaisseau marchand , je monterai le brick sous pavillon blanc avec des hommes dévoués , nous aborderons l' anglais , nous y mettrons le feu , nous sauterons , vous passerez .
- Nous irons avec vous ! " criai - je au capitaine .
Napoléon nous regarda tous et dit : " Capitaine Doret , restez à la France . " C' est la seule fois que j' ai vu Napoléon ému .
Puis il nous fit un signe de main et rentra . Je partis quand je l' eus vu abordant le vaisseau anglais . Il était perdu , et il le savait . Il y avait dans le port un traître qui , par des signaux avertissait les ennemis de la présence de l' Empereur .
Napoléon a donc essayé un dernier moyen , il a fait ce qu' il faisait sur les champs de bataille , il est allé à eux , au lieu de les laisser venir à lui .
Vous parlez de chagrins , rien ne peut vous peindre le désespoir de ceux qui l' ont aimé pour lui .
- Où donc est sa tabatière ? dit la Fosseuse .
MEDECIN DE CAMPAGNE (IX, campagn)
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