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Les Russes nous avaient tournés . Notre colonel s' embarbouille à faire des adieux à une Polonaise qui demeurait à un demi - quart de lieue de la ville , et l' avant - garde des Cosaques l' empoigne juste , lui et son piquet . Nous n' avons que le temps de monter à cheval , de nous former en avant de la ville pour livrer une escarmouche de cavalerie et repousser mes Russes , afin d' avoir le temps de filer pendant la nuit .
Nous avons chargé durant trois heures et fait de vrais tours de force . Pendant que nous nous battions , les équipages et notre matériel prenaient les devants .
Nous avions un parc d' artillerie et de grandes provisions de poudre furieusement nécessaires à l' Empereur , il fallait les lui amener à tout prix . Notre défense en imposa aux Russes qui nous crurent soutenus par un corps d' armée .
Néanmoins , bientôt avertis de leur erreur par des espions , ils apprirent qu' ils n' avaient devant eux qu' un régiment de cavalerie et nos dépôts d' infanterie .
Alors , monsieur , vers le soir , ils firent une attaque à tout démolir , et si chaude , que nous y sommes restés plusieurs . Nous fûmes enveloppés . J' étais avec Renard au premier rang , et je voyais mon Renard se battant et chargeant comme un démon , car il pensait à sa femme .
Grâce à lui , nous pûmes regagner la ville , que nos malades avaient mise en état de défense ; mais c' était à faire pitié .
Nous rentrions les derniers , lui et moi , nous trouvons notre chemin barré par un gros de Cosaques , et nous piquons là - dessus . Un de ces Sauvages allait m' enfiler avec sa lance , Renard le voit , pousse son cheval entre nous deux pour détourner le coup ; sa pauvre bête , un bel animal , ma foi ! reçoit le fer , entraîne , en tombant par terre , Renard et le Cosaque .
Je tue le Cosaque , je prends Renard par le bras et le mets devant moi sur mon cheval , en travers , comme un sac de blé .
" Adieu , mon capitaine , tout est fini , me dit Renard . - Non , lui répondis - je , faut voir . " J' étais alors en ville , je descends , et l' assieds au coin d' une maison , sur un peu de paille .
Il avait la tête brisée , la cervelle dans ses cheveux , et il parlait . Oh ! c' était un fier homme . " Nous sommes quittes , dit - il . Je vous ai donné ma vie , je vous avais pris Judith .
Ayez soin d' elle et de son enfant , si elle en a un . D' ailleurs , épousez - la . " Monsieur , dans le premier moment , je le laissai là comme un chien ; mais quand ma rage fut passée , je revins ... il était mort .

MEDECIN DE CAMPAGNE (IX, campagn)
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