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Je n' aurais jamais soupçonné tant de dureté , de vertu peut - être , dans un coeur qui me paraissait et si tendre et si aimant . Je viens de connaître l' étendue de mon amour , il a résisté à la plus inouïe de toutes les douleurs , au mépris que vous me témoignez en rompant sans regret les liens par lesquels nous nous étions unis . Adieu pour jamais . Je garde l' humble fierté du repentir , et vais chercher une condition où je puisse expier des fautes pour lesquelles vous , mon interprète dans les cieux , avez été sans pitié .
Dieu sera peut - être moins cruel que vous ne l' êtes . Mes souffrances , souffrances pleines de vous , puniront un coeur blessé qui saignera toujours dans la solitude ; car , aux coeurs blessés , l' ombre et le silence .
Aucune autre image d' amour ne s' imprimera plus dans mon coeur . Quoique je ne sois pas femme , j' ai compris comme vous qu' en disant : Je t' aime , je m' engageais pour toute ma vie . Oui , ces mots prononcés à l' oreille de mon aimée n' étaient pas un mensonge ; si je pouvais changer , elle aurait raison dans ses mépris ; vous serez donc à jamais l' idole de ma solitude .
Le repentir et l' amour sont deux vertus qui doivent inspirer toutes les autres ; ainsi , malgré les abîmes qui vont nous séparer , vous serez toujours le principe de mes actions .
Quoique vous ayez empli mon coeur d' amertume , il ne s' y trouvera point contre vous de pensées amères ; ne serait - ce pas mal commencer mes nouvelles oeuvres que de ne pas épurer mon âme de tout levain mauvais ? Adieu donc , vous le seul coeur que j' aime en ce monde et d' où je suis chassé .
Jamais adieu n' aura embrassé plus de sentiments ni plus de tendresse ; n' emporte - t - il pas une âme et une vie qu' il n' est au pouvoir de personne de ranimer ? Adieu , à vous la paix , à moi tout le malheur ! " "
Ces deux lettres lues , Genestas et Benassis se regardèrent pendant un moment , en proie à de tristes pensées qu' ils ne se communiquèrent point .
" Après avoir envoyé cette dernière lettre dont le brouillon est conservé , comme vous voyez , et qui , pour moi , représente aujourd' hui toutes mes joies , mais flétries , reprit Benassis , je tombai dans un abattement inexprimable .
Les liens qui peuvent ici - bas attacher un homme à l' existence se trouvaient réunis dans cette chaste espérance , désormais perdue . Il fallait dire adieu aux délices de l' amour permis , et laisser mourir les idées généreuses qui florissaient au fond de mon coeur .
Les voeux d' une âme repentante qui avait soif du beau , du bon , de l' honnête étaient repoussés par des gens vraiment religieux .

MEDECIN DE CAMPAGNE (IX, campagn)
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