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Je serai toujours aimée ! pourquoi me l' avoir dit ? ces paroles calmeront - elles l' âme agitée d' une pauvre fille solitaire ? Ne m' avez - vous pas déjà perdue dans ma vie future , en me donnant des souvenirs qui reviendront toujours ? Si maintenant je ne puis être qu' à Jésus , acceptera - t - il un coeur déchiré ? Mais il ne m' a pas envoyé vainement ces afflictions , il a ses desseins , et voulait sans doute m' appeler à lui , lui mon seul refuge aujourd' hui .
Monsieur , il ne me reste rien sur cette terre . Vous , pour tromper vos chagrins , vous avez toutes les ambitions naturelles à l' homme . Ceci n' est point un reproche , mais une sorte de consolation religieuse .
Je pense que si nous portons en ce moment un fardeau blessant , j' en ai la part la plus pesante . CELUI en qui j' ai mis tout mon espoir , et de qui vous ne sauriez être jaloux , a noué notre vie ; il saura la dénouer suivant ses volontés .
Je me suis aperçue que vos croyances religieuses n' étaient pas assises sur cette foi vive et pure qui nous aide à supporter ici - bas nos maux .
Monsieur , si Dieu daigne exaucer les voeux d' une constante et fervente prière , il vous accordera les dons de sa lumière . Adieu , vous qui avez dû être mon guide , vous que j' ai pu nommer mon aimé sans crime , et pour qui je puis encore prier sans honte .
Dieu dispose à son gré de nos jours , il pourrait vous appeler à lui le premier de nous deux ; mais si je restais seule au monde , eh bien , monsieur , confiez - moi cet enfant .
"
" Cette lettre , pleine de sentiments généreux , trompait mes espérances , reprit Benassis . Aussi d' abord n' écoutai - je que ma douleur ; plus tard , j' ai respiré le parfum que cette jeune fille essayait de jeter sur les plaies de mon âme en s' oubliant elle - même ; mais , dans le désespoir , je lui écrivis un peu durement .
" " Mademoiselle , ce seul mot vous dit que je renonce à vous et que je vous obéis ! Un homme trouve encore je ne sais quelle affreuse douceur à obéir à la personne aimée , alors même qu' elle lui ordonne de la quitter .
Vous avez raison , et je me condamne moi - même . J' ai jadis méconnu le dévouement d' une jeune fille , ma passion doit être aujourd' hui méconnue . Mais je ne croyais pas que la seule femme à qui j' eusse fait don de mon âme se chargeât d' exercer cette vengeance .

MEDECIN DE CAMPAGNE (IX, campagn)
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