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Butifer était un homme jeune , de taille moyenne , mais sec , maigre et nerveux , de qui la beauté virile frappa Genestas quand il le vit près de lui . Il appartenait visiblement à la classe des contrebandiers qui font leur métier sans violence et n' emploient que la ruse et la patience pour frauder le fisc .
Il avait une mâle figure , brûlée par le soleil . Ses yeux , d' un jaune clair , étincelaient comme ceux d' un aigle , avec le bec duquel son nez mince , légèrement courbé par le bout , avait beaucoup de ressemblance .
Les pommettes de ses joues étaient couvertes de duvet . Sa bouche rouge , entrouverte à demi , laissait apercevoir des dents d' une étincelante blancheur .
Sa barbe , ses moustaches , ses favoris roux qu' il laissait pousser et qui frisaient naturellement , rehaussaient encore la mâle et terrible expression de sa figure .
En lui , tout était force . Les muscles de ses mains continuellement exercées avaient une consistance , une grosseur curieuse . Sa poitrine était large , et sur son front respirait une sauvage intelligence .
Il avait l' air intrépide et résolu , mais calme d' un homme habitué à risquer sa vie , et qui a si souvent éprouvé sa puissance corporelle ou intellectuelle en des périls de tout genre , qu' il ne doute plus de lui - même .
Vêtu d' une blouse déchirée par les épines , il portait à ses pieds des semelles de cuir attachées par des peaux d' anguilles . Un pantalon de toile bleue rapiécé , déchiqueté laissait apercevoir ses jambes rouges , fines , sèches et nerveuses comme celles d' un cerf .
" Vous voyez l' homme qui m' a tiré jadis un coup de fusil , dit à voix basse Benassis au commandant . Si maintenant je témoignais le désir d' être délivré de quelqu' un , il le tuerait sans hésiter .
" Butifer , reprit - il en s' adressant au braconnier , je t' ai cru vraiment homme d' honneur , et j' ai engagé ma parole parce que j' avais la tienne . Ma promesse au procureur du Roi de Grenoble était fondée sur ton serment de ne plus chasser , de devenir un homme rangé , soigneux , travailleur .
C' est toi qui viens de tirer ce coup de fusil , et tu te trouves sur les terres du comte de Labranchoir . Hein ! si son garde t' avait entendu , malheureux ? Heureusement pour toi , je ne dresserai pas de procès - verbal , tu serais en récidive , et tu n' as pas de port d' armes ! Je t' ai laissé ton fusil par condescendance pour ton attachement à cette arme - là .

MEDECIN DE CAMPAGNE (IX, campagn)
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