----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Cet établissement sera sous la surveillance du conseil municipal , auquel s' adjoindra le curé comme président . De cette manière , la fortune que le hasard m' a fait trouver dans ce canton y demeurera . Les règlements de cette institution sont tous tracés dans mon testament ; il serait fastidieux de vous les rapporter , il suffit de vous dire que j' y ai tout prévu .
J' ai même créé un fonds de réserve qui doit permettre un jour à la commune de payer plusieurs bourses à des enfants qui donneraient de l' espérance pour les arts ou pour les sciences .
Ainsi , même après ma mort , mon oeuvre de civilisation se continuera . Voyez - vous , capitaine Bluteau , lorsqu' on a commencé une tâche , il est quelque chose en nous qui nous pousse à ne pas la laisser imparfaite .
Ce besoin d' ordre et de perfection est un des signes les plus évidents d' une destinée à venir . Maintenant allons vite , il faut que j' achève ma ronde , et j' ai encore cinq ou six malades à voir .
"
Après avoir trotté pendant quelque temps en silence , Benassis dit en riant à son compagnon : " Ah ! çà , capitaine Bluteau , vous me faites babiller comme un geai , et vous ne me dites rien de votre vie , qui doit être curieuse .
Un soldat de votre âge a vu trop de choses pour ne pas avoir plus d' une aventure à raconter .
- Mais , répondit Genestas , ma vie est la vie de l' armée . Toutes les figures militaires se ressemblent . N' ayant jamais commandé , étant toujours resté dans le rang à recevoir ou à donner des coups de sabre , j' ai fait comme les autres .
Je suis allé là où Napoléon nous a conduits , et me suis trouvé en ligne à toutes les batailles où a frappé la Garde impériale . C' est des événements bien connus . Avoir soin de ses chevaux , souffrir quelquefois la faim et la soif , se battre quand ii faut , voilà toute la vie du soldat .
N' est - ce pas simple comme bonjour . Il y a des batailles qui pour nous autres sont tout entières dans un cheval déferré qui nous laisse dans l' embarras .
En somme , j' ai vu tant de pays , que je me suis accoutumé à en voir , et j' ai vu tant de morts que j' ai fini par compter ma propre vie pour rien .
- Mais cependant vous avez dû être personnellement en péril pendant certains moments , et ces dangers particuliers seraient curieux racontés par vous .
- Peut - être , répondit le commandant .

MEDECIN DE CAMPAGNE (IX, campagn)
Page: 463