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Je me montrai , nous restâmes tous deux immobiles , elle clouée sur son fauteuil , moi sur le seuil de sa porte , nous contemplant avec l' avide fixité de deux amants qui veulent réparer par un seul regard tout le temps perdu ; mais honteuse d' une surprise qui laissait son coeur sans voile , elle se leva , je m' approchai .
" J' ai bien prié pour vous " , me dit - elle après m' avoir tendu sa main à baiser .
Elle me demanda des nouvelles de son père ; puis elle devina ma fatigue , et alla s' occuper de mon gîte ; tandis que le comte me faisait donner à manger , car je mourais de faim . Ma chambre fut celle qui se trouvait au - dessus de la sienne , celle de sa tante ; elle m' y fit conduire par le comte , après avoir mis le pied sur la première marche de l' escalier en délibérant sans doute avec elle - même si elle m' y accompagnerait ; je me retournai , elle rougit , me souhaita un bon sommeil , et se retira précipitamment .
Quand je descendis pour dîner , j' appris les désastres de Waterloo , la fuite de Napoléon , la marche des alliés sur Paris et le retour probable des Bourbons .
Ces événements étaient tout pour le comte , ils ne furent rien pour nous .
Savez - vous la plus grande nouvelle , après les enfants caressés , car je ne vous parle pas de mes alarmes en voyant la comtesse pâle et maigrie ; je connaissais le ravage que pouvait faire un geste d' étonnement , et n' exprimai que du plaisir en la voyant .
La grande nouvelle pour nous fut : " Vous aurez de la glace ! " Elle s' était souvent dépitée l' année dernière de ne pas avoir d' eau assez fraîche pour moi qui , n' ayant pas d' autre boisson , l' aimais glacée .
Dieu sait au prix de combien d' importunités elle avait fait construire une glacière ! Vous savez mieux que personne qu' il suffit à l' amour , d' un mot , d' un regard , d' une inflexion de voix , d' une attention légère en apparence ; son plus beau privilège est de se prouver par lui - même .
Hé bien , son mot , son regard , son plaisir me révélèrent l' étendue de ses sentiments , comme je lui avais naguère dit tous les miens par ma conduite au trictrac .
Mais les naïfs témoignages de sa tendresse abondèrent : le septième jour après mon arrivée , elle redevint fraîche ; elle pétilla de santé , de joie et de jeunesse ; je retrouvai mon cher lys , embelli , mieux épanoui , de même que je trouvai mes trésors de coeur augmentés .

LYS DANS LA VALLEE (IX, campagn)
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