----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

" Cette femme , reprit - il en faisant la réponse à sa demande , elle me sèvre de tout bonheur , elle est autant à moi qu' à vous , et prétend être ma femme ! Elle porte mon nom et ne remplit aucun des devoirs que les lois divines et humaines lui imposent , elle ment ainsi aux hommes et à Dieu .
Elle m' excède de courses et me lasse pour que je la laisse seule ; je lui déplais , elle me hait , et met tout son art à rester jeune fille , elle me rend fou par les privations qu' elle me cause , car tout se porte alors à ma pauvre tête ; elle me tue à petit feu , et se croit une sainte , ça communie tous les mois .
"
La comtesse pleurait en ce moment à chaudes larmes , humiliée par l' abaissement de cet homme auquel elle disait pour toute réponse : " Monsieur ! monsieur ! monsieur ! "
Quoique les paroles du comte m' eussent fait rougir pour lui comme pour Henriette , elles me remuèrent violemment le coeur , car elles répondaient aux sentiments de chasteté , de délicatesse qui sont pour ainsi dire l' étoffe des premières amours .
" Elle est vierge à mes dépens " , disait le comte . à ce mot , la comtesse s' écria : " Monsieur !
- Qu' est - ce que c' est , dit - il , que votre Monsieur impérieux ? ne suis - je pas le maître ? faut - il enfin vous l' apprendre ? "
Il s' avança sur elle en lui présentant sa tête de loup blanc devenue hideuse , car ses yeux jaunes eurent une expression qui le fit ressembler à une bête affamée sortant d' un bois . Henriette se coula de son fauteuil à terre pour recevoir le coup , qui n' arriva pas ; elle s' était étendue sur le parquet en perdant connaissance , toute brisée .
Le comte fut comme un meurtrier qui sent rejaillir à son visage le sang de sa victime , il resta tout hébété .
Je pris la pauvre femme dans mes bras , le comte me la laissa prendre comme s' il se fût trouvé indigne de la porter ; mais il alla devant moi pour m' ouvrir la porte de la chambre contiguë au salon , chambre sacrée où je n' étais jamais entré .
Je mis la comtesse debout , et la tins un moment dans un bras , en passant l' autre autour de sa taille , pendant que M .
de Mortsauf ôtait la fausse couverture , l' édredon , l' appareil du lit ; puis , nous la soulevâmes et l' étendîmes tout habillée . En revenant à elle , Henriette nous pria par un geste de détacher sa ceinture ; M .

LYS DANS LA VALLEE (IX, campagn)
Page:1072