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Soit une lande chaude , sans végétation , pierreuse , à pans raides , dont les horizons tiennent de ceux du désert , et où je rencontrais une fleur sublime et solitaire , une pulsatille au pavillon de soie violette étalé pour ses étamines d' or ; image attendrissante de ma blanche idole , seule dans sa vallée ! Soit de grandes mares d' eau sur lesquelles la nature jette aussitôt des taches vertes , espèce de transition entre la plante et l' animal , où la vie arrive en quelques jours , des plantes et des insectes flottant là , comme un monde dans l' éther ! Soit encore une chaumière avec son jardin plein de choux , sa vigne , ses palis , suspendue au - dessus d' une fondrière , encadrée par quelques maigres champs de seigle , figure de tant d' humbles existences ! Soit une longue allée de forêt semblable à quelque nef de cathédrale , où les arbres sont des piliers , où leurs branches forment les arceaux de la voûte , au bout de laquelle une clairière lointaine aux jours mélangés d' ombres ou nuancés par les teintes rouges du couchant point à travers les feuilles et montre comme les vitraux coloriés d' un choeur plein d' oiseaux qui chantent .
Puis au sortir de ces bois frais et touffus , une jachère crayeuse où , sur des mousses ardentes et sonores , des couleuvres repues rentrent chez elles en levant leurs têtes élégantes et fines .
Jetez sur ces tableaux tantôt des torrents de soleil ruisselant comme des ondes nourrissantes , tantôt des amas de nuées grises alignées comme les rides au front d' un vieillard , tantôt les tons froids d' un ciel faiblement orangé , sillonné de bandes d' un bleu pâle ; puis écoutez ? vous entendrez d' indéfinissables harmonies au milieu d' un silence qui confond .
Pendant les mois de septembre et d' octobre , je n' ai jamais construit un seul bouquet qui m' ait coûté moins de trois heures de recherches , tant j' admirais , avec le suave abandon des poètes , ces fugitives allégories où pour moi se peignaient les phases les plus contrastantes de la vie humaine , majestueux spectacles où va maintenant fouiller ma mémoire .
Souvent aujourd' hui je marie à ces grandes scènes le souvenir de l' âme alors épandue sur la nature .
J' y promène encore la souveraine dont la robe blanche ondoyait dans les taillis , flottait sur les pelouses , et dont la pensée s' élevait , comme un fruit promis , de chaque calice plein d' étamines amoureuses .
Aucune déclaration , nulle preuve de passion insensée n' eut de contagion plus violente que ces symphonies de fleurs , où mon désir trompé me faisait déployer les efforts que Beethoven exprimait avec ses notes ; retours profonds sur lui - même , élans prodigieux vers le ciel .
LYS DANS LA VALLEE (IX, campagn)
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