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Je retrouvai mes anciennes contemplations , mais paisibles , mais entremêlées par les roulades du chantre des nuits amoureuses , et par la note unique du rossignol des eaux . Il s' éveillait en moi des idées qui glissaient comme des fantômes en enlevant les crêpes qui jusqu' alors m' avaient dérobé mon bel avenir . L' âme et les sens étaient également charmés .
Avec quelle violence mes désirs montèrent jusqu' à elle ! Combien de fois je me dis comme un insensé son refrain : " L' aurai - je ? " Si durant les jours précédents l' univers s' était agrandi pour moi , dans une seule nuit il eut un centre .
à elle , se rattachèrent mes vouloirs et mes ambitions , je souhaitai d' être tout pour elle , afin de refaire et de remplir son coeur déchiré . Belle fut cette nuit passée sous ses fenêtres au milieu du murmure des eaux passant à travers les vannes des moulins , et entrecoupé par la voix des heures sonnées au clocher de Saché ! Pendant cette nuit baignée de lumière où cette fleur sidérale m' éclaira la vie , je lui fiançai mon âme avec la foi du pauvre chevalier castillan de qui nous nous moquons dans Cervantès , et par laquelle nous commençons l' amour .
à la première lueur dans le ciel , au premier cri d' oiseau , je me sauvai dans le parc de Frapesle ; je ne fus aperçu par aucun homme de la campagne , personne ne soupçonna mon escapade , et je dormis jusqu' au moment où la cloche annonça le déjeuner .
Malgré la chaleur après le déjeuner , je descendis dans la prairie afin d' aller revoir l' Indre et ses îles , la vallée et ses coteaux dont je parus un admirateur passionné ; mais avec cette vélocité de pieds qui défie celle du cheval échappé , je retrouvai mon bateau , mes saules et mon Clochegourde .
Tout y était silencieux et frémissant comme est la campagne à midi .
Les feuillages immobiles se découpaient nettement sur le fond bleu du ciel ; les insectes qui vivent de lumière , demoiselles vertes , cantharides , volaient à leurs frênes , à leurs roseaux ; les troupeaux ruminaient à l' ombre , les terres rouges de la vigne brûlaient , et les couleuvres glissaient le long des talus .
Quel changement dans ce paysage si frais et si coquet avant mon sommeil ! Tout à coup je sautai hors de la barque et remontai le chemin pour tourner autour de Clochegourde d' où je croyais avoir vu sortir le comte .
Je ne me trompais point , il allait le long d' une haie , et gagnait sans doute une porte donnant sur le chemin d' Azay qui longe la rivière .

LYS DANS LA VALLEE (IX, campagn)
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