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Le souffle de son âme se déployait dans les replis des syllabes , comme le son se divise sous les clefs d' une flûte ; il expirait onduleusement à l' oreille d' où il précipitait l' action du sang . Sa façon de dire les terminaisons en i faisait croire à quelque chant d' oiseau ; le ch prononcé par elle était comme une caresse , et la manière dont elle attaquait les t accusait le despotisme du coeur .
Elle étendait ainsi , sans le savoir , le sens des mots , et vous entraînait l' âme dans un monde surhumain .
Combien de fois n' ai - je pas laissé continuer une discussion que je pouvais finir , combien de fois ne me suis - je pas fait injustement gronder pour écouter ces concerts de voix humaine , pour aspirer l' air qui sortait de sa lèvre chargé de son âme , pour étreindre cette lumière parlée avec l' ardeur que j' aurais mise à serrer la comtesse sur mon sein ! Quel chant d' hirondelle joyeuse , quand elle pouvait rire ! mais quelle voix de cygne appelant ses compagnes , quand elle parlait de ses chagrins ! L' inattention de la comtesse me permit de l' examiner .
Mon regard se régalait en glissant sur la belle parleuse , il pressait sa taille , baisait ses pieds , et se jouait dans les boucles de sa chevelure .
Cependant j' étais en proie à une terreur que comprendront ceux qui , dans leur vie , ont éprouvé les joies illimitées d' une passion vraie .
J' avais peur qu' elle ne me surprît les yeux attachés à la place de ses épaules que j' avais si ardemment embrassée .
Cette crainte avivait la tentation , et j' y succombais , je les regardais ! mon oeil déchirait l' étoffe , je revoyais la lentille qui marquait la naissance de la jolie raie par laquelle son dos était partagé , mouche perdue dans du lait , et qui depuis le bal flamboyait toujours le soir dans ces ténèbres où semble ruisseler le sommeil des jeunes gens dont l' imagination est ardente , dont la vie est chaste .
Je puis vous crayonner les traits principaux qui partout eussent signalé la comtesse aux regards ; mais le dessin le plus correct , la couleur la plus chaude n' en exprimeraient rien encore . Sa figure est une de celles dont la ressemblance exige l' introuvable artiste de qui la main sait peindre le reflet des feux intérieurs , et sait rendre cette vapeur lumineuse que nie la science , que la parole ne traduit pas , mais que voit un amant .
Ses cheveux fins et cendrés la faisaient souvent souffrir , et ces souffrances étaient sans doute causées par de subites réactions du sang vers la tête .

LYS DANS LA VALLEE (IX, campagn)
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