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Si vous voulez voir la nature belle et vierge comme une fiancée , allez là par un jour de printemps ; si vous voulez calmer les plaies saignantes de votre coeur , revenez - y par les derniers jours de l' automne ; au printemps , l' amour y bat des ailes à plein ciel , en automne on y songe à ceux qui ne sont plus . Le poumon malade y respire une bienfaisante fraîcheur , la vue s' y repose sur des touffes dorées qui communiquent à l' âme leurs paisibles douceurs . En ce moment , les moulins situés sur les chutes de l' Indre donnaient une voix à cette vallée frémissante , les peupliers se balançaient en riant , pas un nuage au ciel , les oiseaux chantaient , les cigales criaient , tout y était mélodie .
Ne me demandez plus pourquoi j' aime la Touraine ! je ne l' aime ni comme on aime son berceau , ni comme on aime une oasis dans le désert ; je l' aime comme un artiste aime l' art ; je l' aime moins que je ne vous aime , mais sans la Touraine , peut - être ne vivrais - je plus .
Sans savoir pourquoi , mes yeux revenaient au point blanc , à la femme qui brillait dans ce vaste jardin comme au milieu des buissons verts éclatait la clochette d' un convolvulus , flétrie si l' on y touche .
Je descendis , l' âme émue , au fond de cette corbeille , et vis bientôt un village que la poésie qui surabondait en moi me fit trouver sans pareil .
Figurez - vous trois moulins posés parmi des îles gracieusement découpées , couronnées de quelques bouquets d' arbres au milieu d' une prairie d' eau ; quel autre nom donner à ces végétations aquatiques , si vivaces , si bien colorées , qui tapissent la rivière , surgissent au - dessus , ondulent avec elle , se laissant aller à ses caprices et se plient aux tempêtes de la rivière fouettée par la roue des moulins ! çà et là , s' élèvent des masses de gravier sur lesquelles l' eau se brise en y formant des franges où reluit le soleil .
Les amaryllis , le nénuphar , le lys d' eau , les joncs , les phlox décorent les rives de leurs magnifiques tapisseries .
Un pont tremblant composé de poutrelles pourries , dont les piles sont couvertes de fleurs , dont les garde - fous plantés d' herbes vivaces et de mousses veloutées se penchent sur la rivière et ne tombent point ; des barques usées , des filets de pêcheurs , le chant monotone d' un berger , les canards qui voguaient entre les îles ou s' épluchaient sur le jard , nom du gros sable que charrie la Loire ; des garçons meuniers , le bonnet sur l' oreille , occupés à charger leurs mulets ; chacun de ces détails rendait cette scène d' une naïveté surprenante .

LYS DANS LA VALLEE (IX, campagn)
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