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- Ne mettez jamais cette chaleur aux paroles que vous me direz " , dit - elle .
Nous fîmes deux fois le tour de la terrasse en silence . Puis elle me dit d' un ton de commandement qui me prouvait qu' elle prenait possession de mon âme : " Il est tard , séparons - nous . "
Je voulais lui baiser la main , elle hésita , me la rendit , et me dit d' une voix de prière : " Ne la prenez que lorsque je vous la donnerai , laissez - moi mon libre arbitre , sans quoi je serais une chose à vous , et cela ne doit pas être .
- Adieu " , lui dis - je .
Je sortis par la petite porte d' en bas qu' elle m' ouvrit . Au moment où elle l' allait fermer , elle la rouvrit , me tendit sa main en me disant : " En vérité , vous avez été bien bon ce soir , vous avez consolé tout mon avenir ; prenez , mon ami , prenez ! "
Je baisai sa main à plusieurs reprises ; et quand je levai les yeux , je vis des larmes dans les siens . Elle remonta sur la terrasse , et me regarda encore un moment à travers la prairie . Quand je fus dans le chemin de Frapesle , je vis encore sa robe blanche éclairée par la lune ; puis , quelques instants après , une lumière illumina sa chambre .
" O mon Henriette ! me dis - je , à toi l' amour le plus pur qui jamais aura brillé sur cette terre ! "
Je regagnai Frapesle en me retournant à chaque pas . Je sentais en moi je ne sais quel contentement ineffable . Une brillante carrière s' ouvrait enfin au dévouement dont est gros tout jeune coeur , et qui chez moi fut si longtemps une force inerte ! Semblable au prêtre qui , par un seul pas , s' est avancé dans une vie nouvelle , j' étais consacré , voué .
Un simple oui , madame ! m' avait engagé à garder pour moi seul en mon coeur un amour irrésistible , à ne jamais abuser de l' amitié pour amener à petits pas cette femme dans l' amour .
Tous les sentiments nobles réveillés faisaient entendre en moi - même leurs voix confuses .
Avant de me retrouver à l' étroit dans une chambre , je voulus voluptueusement rester sous l' azur ensemencé d' étoiles , entendre encore en moi - même ces chants de ramier blessé , les tons simples de cette confidence ingénue , rassembler dans l' air les effluves de cette âme qui toutes devaient venir à moi .
LYS DANS LA VALLEE (IX, campagn)
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