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Tu as senti ces poésies célestes , toi qui unissais tant de sentiments divers , et reportais si souvent tes yeux vers le ciel pour ne pas me répondre ! Toi , fière et rieuse , humble et despotique , te donnant tout entière en âme , en pensée , et te dérobant à la plus timide des caresses ! Chères coquetteries du cour ! elles vibrent toujours dans mon oreille , elles s' y roulent et s' y jouent encore , ces délicieuses paroles à demi bégayées comme celles des enfants , et qui n' étaient ni des promesses , ni des aveux , mais qui laissaient à l' amour ses belles espérances sans craintes et sans tourments ! Quel chaste souvenir dans la vie ! Quel épanouissement de toutes les fleurs qui naissent au fond de l' âme , et qu' un rien peut flétrir , mais qu' alors tout animait et fécondait ! Ce sera toujours ainsi , n' est - ce pas , mon aimée ? En me rappelant , au matin , les vives et fraîches douceurs qui sourdirent en ce moment , je me sens dans l' âme un bonheur qui me fait concevoir le véritable amour comme un océan de sensations éternelles et toujours neuves , où l' on se plonge avec de croissantes délices . Chaque jour , chaque parole , chaque caresse , chaque regard doit y ajouter le tribut de sa joie écoulée .
Oui , les coeurs assez grands pour ne rien oublier doivent vivre , à chaque battement , de toutes leurs félicités passées , comme de toutes celles que promet l' avenir .
Voilà ce que je rêvais autrefois , et ce n' est plus un rêve aujourd' hui . N' ai - je pas rencontré sur cette terre un ange qui m' en a fait connaître toutes les joies pour me récompenser peut - être d' en avoir supporté toutes les douleurs ? Ange du ciel , je te salue par un baiser .
" Je t' envoie cette hymne échappée à mon coeur , je te la devais ; mais elle te peindra difficilement ma reconnaissance et ces prières matinales que mon coeur adresse chaque jour à celle qui m' a dit tout l' évangile du coeur dans ce mot divin : " CROYEZ ! " "
V
" Comment , cour chéri , plus d' obstacles ! Nous serons libres d' être l' un à l' autre , chaque jour , à chaque heure , chaque moment , toujours . Nous pourrons rester , pendant toutes les journées de notre vie , heureux comme nous le sommes furtivement en de rares instants ! Quoi ! nos sentiments si purs , si profonds , prendront les formes délicieuses des mille caresses que j' ai rêvées .
Ton petit pied se déchaussera pour moi , tu seras toute à moi ! Ce bonheur me tue , il m' accable .
Ma tête est trop faible , elle éclate sous la violence de mes pensées . Je pleure et je ris , j' extravague . Chaque plaisir est comme une flèche ardente , il me perce et me brûle ! Mon imagination te fait passer devant mes yeux ravis , éblouis , sous les innombrables et capricieuses figures qu' affecte la volupté .
Enfin , toute notre vie est là , devant moi , avec ses torrents , ses repos , ses joies ; elle bouillonne , elle s' étale , elle dort ; puis elle se réveille jeune , fraîche .

LOUIS LAMBERT (XI, philo)
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