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Les monuments modernes valent - ils les anciens ? j' en doute . Les arts qui procèdent immédiatement de l' individu , les productions du génie ou de la main ont peu gagné . Les jouissances de Lucullus valaient bien celles de Samuel Bernard , de Beaujon ou du roi de Bavière .
Enfin , la longévité humaine a perdu . Pour qui veut être de bonne foi , rien n' a donc changé , l' homme est le même : la force est toujours son unique loi , le succès sa seule sagesse .
Jésus - Christ , Mahomet , Luther n' ont fait que colorer différemment le cercle dans lequel les jeunes nations ont fait leurs évolutions . Nulle politique n' a empêché la Civilisation , ses richesses , ses moeurs , son contrat entre les forts contre les faibles , ses idées et ses voluptés d' aller de Memphis à Tyr , de Tyr à Balbeck , de Balbeck à Tadmor , de Tadmor à Carthage , de Carthage à Rome , de Rome à Constantinople , de Constantinople à Venise , de Venise en Espagne , d' Espagne en Angleterre , sans que nul vestige n' existe de Memphis , de Tyr , de Carthage , de Rome , de Venise ni de Madrid .
L' esprit de ces grands corps s' est envolé .
Nul ne s' est préservé de la ruine , et n' a deviné cet axiome : Quand l' effet produit n' est plus en rapport avec sa cause , il y a désorganisation .
Le génie le plus subtil ne peut découvrir aucune liaison entre ces grands faits sociaux .
Aucune théorie politique n' a vécu . Les gouvernements passent comme les hommes , sans se transmettre aucun enseignement , et nul système n' engendre un système plus parfait que celui du système précédent .
Que conclure de la politique , quand le gouvernement appuyé sur Dieu a péri dans l' Inde et en Égypte ; quand le gouvernement du sabre et de la tiare a passé ; quand le gouvernement d' un seul se meurt , quand le gouvernement de tous n' a jamais pu vivre ; quand aucune conception de la force intelligentielle , appliquée aux intérêts matériels , n' a pu durer , et que tout est à refaire aujourd' hui comme à toutes les époques où l' homme s' est écrié : " Je souffre ! " Le code , que l' on regarde comme la plus belle oeuvre de Napoléon , est l' oeuvre la plus draconienne que je sache .
La divisibilité territoriale poussée à l' infini , dont le principe y est consacré par le partage égal des biens , doit engendrer l' abâtardissement de la nation , la mort des arts et celle des sciences .

LOUIS LAMBERT (XI, philo)
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