----- Revenir à l'écran précédent par la commande BACK -----

Les deux ou trois cents élèves que pouvait loger le collège étaient divisés , suivant l' ancienne coutume , en quatre sections , nommées les Minimes , les Petits , les Moyens et les Grands . La division des Minimes embrassait les classes désignées sous le nom de huitième et septième ; celle des Petits , la sixième , la cinquième et la quatrième ; celle des Moyens , la troisième et la seconde , enfin celle des Grands , la rhétorique , la philosophie , les mathématiques spéciales , la physique et la chimie .
Chacun de ces collèges particuliers possédait son bâtiment , ses classes et sa cour dans un grand terrain commun sur lequel les salles d' étude avaient leur sortie , et qui aboutissait au réfectoire .
Ce réfectoire , digne d' un ancien Ordre religieux , contenait tous les écoliers .
Contrairement à la règle des autres corps enseignants , nous pouvions y parler en mangeant , tolérance oratorienne qui nous permettait de faire des échanges de plats selon nos goûts .
Ce commerce gastronomique est constamment resté l' un des plus vifs plaisirs de notre vie collégiale . Si quelque Moyen , placé en tête de sa table , préférait une portion de pois rouges à son dessert , car nous avions du dessert , la proposition suivante passait de bouche en bouche : Un dessert pour des pois ! jusqu' à ce qu' un gourmand l' eût accepté ; alors celui - ci d' envoyer sa portion de pois , qui allait de main en main jusqu' au demandeur , dont le dessert arrivait par la même voie .
Jamais il n' y avait d' erreur .
Si plusieurs demandes étaient semblables , chacune portait son numéro , et l' on disait : Premiers pois pour premier dessert .
Les tables étaient longues , notre trafic perpétuel y mettait tout en mouvement ; et nous parlions , nous mangions , nous agissions avec une vivacité sans exemple .
Aussi le bavardage de trois cents jeunes gens , les allées et venues des domestiques occupés à changer les assiettes , à servir les plats , à donner le pain , l' inspection des directeurs faisaient - ils du réfectoire de Vendôme un spectacle unique en son genre , et qui étonnait toujours les visiteurs .
Pour adoucir notre vie , privée de toute communication avec le dehors et sevrée des caresses de la famille , les Pères nous permettaient encore d' avoir des pigeons et des jardins . Nos deux ou trois cents cabanes , un millier de pigeons nichés autour de notre mur d' enceinte et une trentaine de jardins formaient un coup d' oeil encore plus curieux que ne l' était celui de nos repas .

LOUIS LAMBERT (XI, philo)
Page: 598