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Qui nous expliquera philosophiquement la transition de la sensation à la pensée , de la pensée au verbe , du verbe à son expression hiéroglyphique , des hiéroglyphes à l' alphabet , de l' alphabet à l' éloquence écrite , dont la beauté réside dans une suite d' images classées par les rhéteurs , et qui sont comme les hiéroglyphes de la pensée ? L' antique peinture des idées humaines configurées par les formes zoologiques n' aurait - elle pas déterminé les premiers signes dont s' est servi l' Orient pour écrire ses langages ? Puis n' aurait - elle pas traditionnellement laissé quelques vestiges dans nos langues modernes qui toutes se sont partagé les débris du verbe primitif des nations , verbe majestueux et solennel , dont la majesté , dont la solennité décroissent à mesure que vieillissent les sociétés ; dont les retentissements si sonores dans la Bible hébraïque si beaux encore dans la Grèce , s' affaiblissent à travers les progrès de nos civilisations successives ? Est - ce à cet ancien Esprit que nous devons les mystères enfouis dans toute parole humaine ? N' existe - t - il pas dans le mot VRAI une sorte de rectitude fantastique ? Ne se trouve - t - il pas dans le son bref qu' il exige une vague image de la chaste nudité , de la simplicité du vrai en toute chose ? Cette syllabe respire je ne sais quelle fraîcheur .
J' ai pris pour exemple la formule d' une idée abstraite , ne voulant pas expliquer le problème par un mot qui le rendît trop facile à comprendre , comme celui de VOL , où tout parle aux sens .
N' en est - il pas ainsi de chaque verbe ? Tous sont empreints d' un vivant pouvoir qu' ils tiennent de l' âme , et qu' ils y restituent par les mystères d' une action et d' une réaction merveilleuse entre la parole et la pensée .
Ne dirait - on pas d' un amant qui puise sur les lèvres de sa maîtresse autant d' amour qu' il lui en communique ? Par leur seule physionomie , les mots raniment dans notre cerveau les créatures auxquelles ils servent de vêtement .
Semblables à tous les êtres , ils n' ont qu' une place où leurs propriétés puissent pleinement agir et se développer .
Mais ce sujet comporte peut - être une science tout entière ! " Et il haussait les épaules comme pour me dire : " Nous sommes et trop grands et trop petits ! "
La passion de Louis pour la lecture avait été d' ailleurs fort bien servie . Le curé de Mer possédait environ deux à trois mille volumes . Ce trésor provenait des pillages faits pendant la révolution dans les abbayes et les châteaux voisins .
En sa qualité de prêtre assermenté , le bonhomme avait pu choisir les meilleurs ouvrages parmi les collections précieuses qui furent alors vendues au poids . En trois ans Louis Lambert s' était assimilé la substance des livres qui , dans la bibliothèque de son oncle , méritaient d' être lus .
LOUIS LAMBERT (XI, philo)
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