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25 août ( le jour de sa fête ) .
Hier au soir Louise a eu pendant quelques moments le délire ; mais ce fut un délire vraiment élégant , qui prouve que les gens d' esprit ne deviennent pas fous comme les bourgeois ou comme les sots . Elle a chanté d' une voix éteinte quelques airs italiens des Puritani , de la Sonnambula et de Mosé .
Nous étions tous silencieux autour du lit , et nous avons tous eu , même son frère Rhétoré , des larmes dans les yeux , tant il était clair que son âme s' échappait ainsi .
Elle ne nous voyait plus ! Il y avait encore toute sa grâce dans les agréments de ce chant faible et d' une douceur divine . L' agonie a commencé dans la nuit .
Je viens , à sept heures du matin , de la lever moi - même ; elle a retrouvé quelque force , elle a voulu s' asseoir à sa croisée , elle a demandé la main de Gaston ... Puis , mon ami , l' ange le plus charmant que nous pourrons voir jamais sur cette terre ne nous a plus laissé que sa dépouille .
Administrée la veille à l' insu de Gaston , qui , pendant la terrible cérémonie , a pris un peu de sommeil , elle avait exigé de moi que je lui lusse en français le De profundis , pendant qu' elle serait ainsi face à face avec la belle nature qu' elle s' était créée .
Elle répétait mentalement les paroles et serrait les mains de son mari , agenouillé de l' autre côté de la bergère .
26 août .
J' ai le coeur brisé . Je viens d' aller la voir dans son linceul , elle y est devenue pâle avec des teintes violettes . Oh ! je veux voir mes enfants ! mes enfants ! Amène mes enfants au - devant de moi !
Paris , 1841 .

DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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