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Je suis revenue de Paris mourante . En route , mille pensées m' ont assaillie comme autant de démons . Serait - elle mariée ? la connaissait - il avant de m' épouser ? A - t - elle été la maîtresse de quelque homme riche qui l' aurait laissée , et n' est - elle pas soudain retombée à la charge de Gaston ? J' ai fait des suppositions à l' infini , comme s' il y avait besoin d' hypothèses en présence des enfants .
Le lendemain , je suis retournée à Paris , et j' ai donné assez d' argent au portier de la maison pour qu' à cette question : " Mme Gaston est - elle mariée légalement ? " il me répondît : " Oui , mademoiselle .
"
15 juillet .
Ma chère , depuis cette matinée , j' ai redoublé d' amour pour Gaston , et je l' ai trouvé plus amoureux que jamais ; il est si jeune ! Vingt fois , à notre lever , je suis près de lui dire : " Tu m' aimes donc plus que celle de la rue de la Ville - l' Évêque ? " Mais je n' ose m' expliquer le mystère de mon abnégation .
" Tu aimes bien les enfants ? lui ai - je demandé . Oh ! oui , m' a - t - il répondu mais nous en aurons ! Et comment ? J' ai consulté les médecins les plus savants , et tous m' ont conseillé de faire un voyage de deux mois .
Gaston , lui ai - je dit , si j' avais pu aimer un absent , je serais restée au couvent pour le reste de mes jours .
" Il s' est mis à rire , et moi , ma chère , le mot voyage m' a tuée . Oh ! certes , j' aime mieux sauter par la fenêtre que de me laisser rouler dans les escaliers en me retenant de marche en marche .
Adieu , mon ange , j' ai rendu ma mort douce , élégante , mais infaillible . Mon testament est écrit d' hier ; tu peux maintenant me venir voir , la consigne est levée . Accours recevoir mes adieux .
Ma mort sera , comme ma vie , empreinte de distinction et de grâce : je mourrai tout entière .
Adieu , cher esprit de soeur , toi dont l' affection n' a eu ni dégoûts , ni hauts , ni bas , et qui , semblable à l' égale clarté de la lune , as toujours caressé mon coeur ; nous n' avons point connu les vivacités , mais nous n' avons pas goûté non plus à la vénéneuse amertume de l' amour Tu as vu sagement la vie .
Adieu !
DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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