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Armand , j' en ai la certitude , sera le plus excellent magigtrat , le plus probe administrateur , le député le plus consciencieux qui puisse jamais se trouver ; tandis que mon René sera le plus hardi , le plus aventureux et en même temps le plus rusé marin du monde . Ce petit drôle a une volonté de fer ; il a tout ce qu' il veut , il prend mille détours pour arriver à son but , et si les mille ne l' y mènent pas , il en trouve un mille et unième .
Là où mon cher Armand se résigne avec calme en étudiant la raison des choses , mon René tempête , s' ingénie , combine en parlottant sans cesse , et finit par découvrir un joint ; s' il y peut faire passer une lame de couteau , bientôt il y fait entrer sa petite voiture .
Quant à Naïs , c' est tellement moi , que je ne distingue pas sa chair de la mienne . Ah ! la chérie , la petite fille aimée que je me plais à rendre coquette , de qui je tresse les cheveux et les boucles en y mettant mes pensées d' amour , je la veux heureuse : elle ne sera donnée qu' à celui qui l' aimera et qu' elle aimera .
Mais , mon Dieu ! quand je la laisse se pomponner ou quand je lui passe des rubans groseille entre les cheveux , quand je chausse ses petits pieds si mignons , il me saute au coeur et à la tête une idée qui me fait presque défaillir .
Est - on maîtresse du sort de sa fille ? Peut - être aimera - t - elle un homme indigne d' elle , peut - être ne sera - t - elle pas aimée de celui qu' elle aimera .
Souvent , quand je la contemple , il me vient des pleurs dans les yeux . Quitter une charmante créature , une fleur , une rose qui a vécu dans notre sein comme un bouton sur le rosier , et la donner à un homme qui nous ravit tout ! C' est toi qui , dans deux ans , ne m' as pas écrit ces trois mots : Je suis heureuse ! c' est toi qui m' as rappelé le drame du mariage , horrible pour une mère aussi mère que je le suis .
Adieu , car je ne sais pas comment je t' écris , tu ne mérites pas mon amitié .
Oh ! réponds - moi , ma Louise .

DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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