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Pour qu' un homme t' ait fait revenir de ton aversion pour un second mariage , il doit posséder un esprit angélique , un coeur divin ; il faut donc te laisser à tes illusions : mais as - tu donc oublié ce que tu disais de la jeunesse des hommes , qui tous ont passé par d' ignobles endroits , et dont la candeur s' est perdue aux carrefours les plus horribles du chemin ? Qui a changé , toi ou eux ? Tu es bien heureuse de croire au bonheur : je n' ai pas la force de te blâmer quoique l' instinct de la tendresse me pousse à te détourner de ce mariage .
Oui , cent fois oui , la Nature et la Société s' entendent pour détruire l' existence des félicités entières , parce qu' elles sont à l' encontre de la nature et de la société , parce que le ciel est peut - être jaloux de ses droits .
Enfin mon amitié pressent quelque malheur qu' aucune prévision ne pourrait m' expliquer ; je ne sais ni d' où il viendra , ni qui l' engendrera ; mais , ma chère , un bonheur immense et sans bornes t' accablera sans doute .
On porte encore moins facilement la joie excessive que la peine la plus lourde .
Je ne dis rien contre lui : tu l' aimes , et je ne l' ai sans doute jamais vu ; mais tu m' écriras , j' espère , un jour où tu seras oisive , un portrait quelconque de ce bel et curieux animal .
Tu me vois prenant gaiement mon parti , car j' ai la certitude qu' après la lune de miel vous ferez tous deux et d' un commun accord comme tout le monde . Un jour , dans deux ans , en nous promenant , quand nous passerons sur cette route , tu me diras : " Voilà pourtant ce Chalet d' où je ne devais pas sortir ! " Et tu riras de ton bon rire , en montrant tes jolies dents .
Je n' ai rien dit encore à Louis , nous lui aurions trop apprêté à rire .
Je lui apprendrai tout uniment ton mariage et le désir que tu as de le tenir secret . Tu n' as malheureusement besoin ni de mère ni de soeur pour le coucher de la mariée .
Nous sommes en octobre , tu commences par l' hiver , en femme courageuse . S' il ne s' agissait pas de mariage , je dirais que tu attaques le taureau par les cornes . Enfin , tu auras en moi l' amie la plus discrète et la plus intelligente .
Le centre mystérieux de l' Afrique a dévoré bien des voyageurs , et il me semble que tu te jettes , en fait de sentiment , dans un voyage semblable à ceux où tant d' explorateurs ont péri , soit par les nègres , soit dans les sables .
Ton désert est à deux lieues de Paris , je puis donc te dire gaiement : Bon voyage ! tu nous reviendras .
DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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