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Au lieu de payer des contributions à l' État , je reçois de lui , moi - même , sans frais , trente mille francs tous les six mois au Trésor , d' un joli petit employé qui me donne trente billets de mille francs et qui sourit en me voyant . Si la France fait banqueroute ? me diras - tu . D' abord ,
Je ne sais pas prévoir les malheurs de si loin .
Mais la France me retrancherait alors tout au plus la moitié de mon revenu ; je serais encore aussi riche que je l' étais avant mon placement ; puis , d' ici la catastrophe , j' aurai touché le double de mon revenu antérieur .
La catastrophe n' arrive que de siècle en siècle , on a donc le temps de se faire un capital en économisant . Enfin le comte de l' Estorade n' est - il pas pair de la France semi - républicaine de Juillet ? n' est - il pas un des soutiens de la couronne offerte par le peuple au roi des Français ? puis - je avoir des inquiétudes en ayant pour ami un président de chambre à la Cour des comptes , un grand financier ? Ose dire que je suis folle ! Je calcule presque aussi bien que ton roi - citoyen .
Sais - tu ce qui peut donner cette sagesse algébrique à une femme ? l' amour ! Hélas ! le moment est venu de t' expliquer les mystères de ma conduite , dont les raisons fuyaient ta perspicacité , ta tendresse curieuse et ta finesse .
Je me marie dans un village auprès de Paris , secrètement .
J' aime , je suis aimée .
J' aime autant qu' une femme qui sait bien ce qu' est l' amour peut aimer . Je suis aimée autant qu' un homme doit aimer la femme par laquelle il est adorée . Pardonne - moi , Renée , de m' être cachée de toi , de tout le monde .
Si ta Louise trompe tous les regards , déjoue toutes les curiosités , avoue que ma passion pour mon pauvre Macumer exigeait cette tromperie . L' Estorade et toi , vous m' eussiez assassinée de doutes , étourdie de remontrances .
Les circonstances auraient pu d' ailleurs vous venir en aide . Toi seule sais à quel point je suis jalouse , et tu m' aurais inutilement tourmentée . Ce que tu vas nommer ma folie , ma Renée , je l' ai voulu faire à moi seule , à ma tête , à mon coeur , en jeune fille qui trompe la surveillance de ses parents .
Mon amant a pour toute fortune trente mille francs de dettes que j' ai payées .
Quel sujet d' observations ! Vous auriez voulu me prouver que Gaston est un intrigant , et ton mari eût espionné ce cher enfant . J' ai mieux aimé l' étudier moi - même . Voici vingt - deux mois qu' il me fait la cour ; j' ai vingt - sept ans , il en a vingt - trois .
DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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