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Je suis une créature maudite ! L' amour pur et violent comme il est quand il est absolu serait - il donc aussi infécond que l' aversion , de même que l' extrême chaleur des sables du désert et l' extrême froid du pôle empêchent toute existence ? Faut - il se marier avec un Louis de l' Estorade pour avoir une famille ? Dieu serait - il jaloux de l' amour ? Je déraisonne .
Je crois que tu es la seule personne que je puisse souffrir près de moi ; viens donc , toi seule dois être avec une Louise en deuil . Quelle horrible journée que celle où j' ai mis le bonnet des veuves ! Quand je me suis vue en noir , je suis tombée sur un siège et j' ai pleuré jusqu' à la nuit , et je pleure encore en te parlant de ce terrible moment .
Adieu , t' écrire me fatigue ; j' ai trop de mes idées , je ne veux plus les exprimer .
Amène tes enfants , tu peux nourrir le dernier ici , je ne serai plus jalouse ; il n' y est plus , et mon filleul me fera bien plaisir à voir , car Felipe souhaitait un enfant qui ressemblât à ce petit Armand .
Enfin , viens prendre ta part de mes douleurs ! ...
XLVII
RENÉE à LOUISE
1829 .
Ma chérie , quand tu tiendras cette lettre entre les mains , je ne serai pas loin , car je pars quelques instants après te l' avoir envoyée . Nous serons seules . Louis est obligé de rester en Provence à cause des élections qui vont s' y faire ; il veut être réélu , et il y a déjà des intrigues de nouées contre lui par les libéraux .
Je ne viens pas te consoler , je t' apporte seulement mon coeur pour tenir compagnie au tien et pour t' aider à vivre . Je viens t' ordonner de pleurer : il faut acheter ainsi le bonheur de le rejoindre un jour , car il n' est qu' en voyage vers Dieu ; tu ne feras plus un seul pas qui ne te conduise vers lui .
Chaque devoir accompli rompra quelque anneau de la chaîne qui vous sépare . Allons , ma Louise , tu te relèveras dans mes bras et tu iras à lui pure , noble , pardonnée de tes fautes involontaires , et accompagnée des oeuvres que tu feras ici - bas en son nom .
Je te trace ces lignes à la hâte au milieu de mes préparatifs , de mes enfants , et d' Armand qui me crie : " Marraine ! marraine ! allons la voir ! " à me rendre jalouse : c' est presque ton fils !
DEUX JEUNES MARIEES (I, privé)
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